Le monde selon Brendan
buge
Certaines injustices ont la dent dure : quoi qu’il miaule, Justin "Bibeur" vendra toujours plus de disques que les Sights ; malgré le soutien en nature de ses "copines" Martine et Cécile, Maîtresse Ségo n’a plus que son désespoir pour seul perchoir après que ce vieux renard de Falorni lui a raflé sa part de fromage rochelais ; Et Marc Lévy sera, cet été, sur toutes les plages de Corse et de Navarre avec son nouveau roman Il y a tant de choses que l’on ne s’est pas dites que je me demande où tu es pour être sûr que tout est à refaire.
Dans un tout autre domaine, on peut regretter (pour de bon, cette fois) qu’après plus de quinze ans de carrière, le talent de Brendan Benson ne soit pas encore reconnu à sa juste valeur. L’alter ego de Jack White au sein des Raconteurs reste pourtant l’un des meilleurs songwriters de sa génération.
Multi instrumentiste besogneux, doué pour jongler avec les styles, le néo résident de Nashville fait partie de ces musiciens capables de pondre deux ou trois perles après qu’on lui a balancé trois accords à la cantonade. Malgré cela, aucun de ses albums ne lui ont apporté une gloire qui lui aurait tendu les bras il y a trente ou quarante ans. Question de génération…
Pourtant, entre One Mississipi, en 1996, et My Old Family Friend, il y a trois ans, il y a largement de quoi étancher sa soif de mélodies finement façonnées. Benson travaille ses chansons comme un menuisier travaille son bois : soigneusement, sans faire dans l’édulcorant. Si l’une de ses compos nécessite l’emploi d’un orgue Hammond, d’un Wurlitzer ou d’un Rhodes, l’artiste ne se contente pas d’une simple carte son. Voilà pourquoi ses disques possèdent cette authenticité qui fait souvent défaut à certains de leurs contemporains.
Son souci de perfection dans le domaine est tel que certains journalistes avaient retourné l’argument contre l’Américain. Ainsi, l’un d’entre eux avait-il, à sa sortie, décerné à My Old Family Friend le titre de "meilleur album de l’été 1978". Si le propos prête plutôt à sourire, il s’avère néanmoins sévère.
Certes, le millésime 2009 avait un aspect juke box. Mais c’était là l’une de ses principales qualités. Tous les morceaux ou presque étaient bons. On naviguait entre rock, power pop, ska, ballades et autres clins d’œil à la Motown. L’album s’appréciait d’une traite et mettait sur les épaules du musicien une certaine pression artistique (le succès commercial n’a, hélas, pas été au rendez-vous) quant à son successeur.
Entre mini symphonie et pop de fanfare
What Kind of World est sorti il y a quelques semaines. Et si ce cinquième effort apparaît, musicalement, plus cohérent que son aîné, il se hisse, toutefois, un barreau en dessous sur l’échelle de l’efficacité.
Sans parler de déception (il n’en est aucunement question), le résultat tarde bizarrement à dévoiler ses charmes. Les premières impressions laissent même penser que les meilleures chansons du disque rivalisent tout juste avec les moins réussies de l’exercice précédent.
Le temps et les écoutes atténuent heureusement cette erreur de jugement. Bien sûr, on ne peut pas grand-chose contre la facilité assumée du morceau-titre, agréable certes, mais bien trop prévisible pour un compositeur de la trempe de Benson. Pas plus qu’on ne peut s’en vouloir de trouver que Thru the Ceiling possède autant d’arômes qu’une tranche de pain azyme ou que Come On doit son salut à une partie de basse aussi simple qu’entêtante.
Beaucoup plus intéressant, On the Fence, interprété en duo avec Ashley Monroe, s’inscrit dans la lignée du répertoire de The Band tout en ayant quelques accents du classique de la folk music Cotton Field.
La ballade Bad for Me s’avère, elle, digne d’un Elton John de la première moitié des seventies. Avec cette mini symphonie de quatre minutes, cousine éloignée de You Make a Fool Out of Me (sur le disque précédent), Benson signe l’un des temps forts d’un album ponctué de morceaux enjoués (Happy Most of the Time, Light of Day, Met Your Match).
Avec le temps, What Kind of World finit par mettre à jour quelques pièces magnifiques (Pretty Baby et son ambiance froide et synthétique, le pêchu Here in the Deadlights). La meilleure d’entre elles étant No One Else But You : voix éraillée, guitare acoustique parsemée ça et là de lap steel et de notes de Moog, la vraie-fausse ballade s'efface peu à peu au profit d'une espèce de pop de fanfare qui laisse augurer une version live jubilatoire.
Comme à son habitude, Brendan Benson s'accapare les registres avec une facilité déconcertante. On se dit qu’une telle maîtrise finira bien par payer. Qu’un de ces quatre, on écrira enfin des articles sur lui sans mentionner le nom de Jack White, comme si ce dernier venait se porter (involontairement) caution.
Est-ce que What Kind of World a les sillons assez solides pour être ce déclencheur ? C’est hélas, peu probable. Certaines injustices ont décidément la dent dure.
Joliment dit, Fuko San.
· Il y a plus de 12 ans ·Merci pour ton commentaire ;)
buge
Il y a tant d'injustices tellement injustes ! Comme le succès de la prose du poseur Levy que si bien tu décris ;-)
· Il y a plus de 12 ans ·Le monde de Brendan viendra à son heure pour qui sait entendre ...
fuko-san