Le moteur chaud.(1)

Je reproduisais mieux mes sentiments par écrit, que par amour. J'avais plus d'encre en réserve dans mon placard, que de baisers en attente sur une bouche.

- T'as vu, ça bave encore !

- Ben ouais ça bave et alors ? Que veux-tu que j'y fasse ? Les sentiments ça bave !

Malgré plusieurs nettoyages de têtes, ma machine n'alignait plus correctement. A chaque nouvelle tentative d' impression, les couleurs s'effaçaient jusqu'à disparaître, telle une peau qui tendrait vers un chagrin, et où les joues perdraient de leur fard. Les primaires n'accrochaient plus véritablement et ma caravane faisait des numéros ratés.

- De toute façon, sous ton petit chapiteau, qui vient te voir ? Plus personne !

Betty a toujours associé l'écriture à une acrobatie de cirque: soit tu l'envoie en l'air et tu t'éclates avec elle... ou soit tu l'enfonce dans un filet ! Et là, crois-moi, ça fait moche devant tout le monde !

- Mais reconnais ma chérie, que l'échec est dans ce cas précis, un pied de nez à la réussite: c'est pas en ayant tout le temps de la chance que tout se colle à toi !

- Putain quand tu parles, tu sembles vouloir démonter tout l'intérieur d'un frigo pour trouver d'où vient le froid ! T'as pas encore compris que ça se trouve dans le derrière !

- Quoi ?

- Le moteur !

Pour Betty, le moteur est l'essence même de la réussite. On ne peut avancer sans lui, on ne peut s'en passer. Il fait parti de l'accès à la montagne et des horizons à perte de vue, du domaine skiable et des plages ensoleillées. On fabriquait des cabanes à chichis ou à crêpes pour se protéger des rouleaux et des avalanches...