Le Mystère de Toutazar
laurence-nightingale
Tibin furetait dans le laboratoire secret de son grand-père. Il n'avait pas le droit d'y aller seul, alors il était monté au grenier en cachette, faisant bien attention au dernier barreau de l'échelle en bois. Il grinçait si fort qu'il était difficile d'arriver là-haut sans se faire remarquer.
Dans cette grande pièce remplie de bric-à-brac, de nombreuses inventions s'entassaient : une horloge mangeuse de mouches, une machine à étincelles, un éplucheur de carottes supersonique, un aspirateur à microbes, un distributeur automatique de bisous… Ce que Tibin aimait plus que tout, c'était regarder au travers des liquides colorés qui bouillonnaient, côte à côte, dans des tubes en cristal, et qui reproduisaient un arc-en-ciel.
Ce jour-là, le soleil traversait les tubes de couleur d'une façon étrange, comme s'il se mélangeait aux liquides, et renvoyait un rayon de lumière violet foncé sur le télescope planté devant la fenêtre ouverte. Tibin s'approcha de la grosse lunette et se hissa sur la pointe des pieds afin de jeter un œil. Au fin fond de la galaxie, il vit un gros cube vert, recouvert de cratères sur chaque face, et qui tournait sur lui-même. Un sur la première face, deux sur la suivante, puis trois, puis quatre, cinq et six sur la dernière face. Les constellations du dé !
Tibin venait de découvrir la planète Toutazar dont son grand-père parlait depuis toujours sans l'avoir jamais trouvée. Toutazar et ses volcans perdus. Il n'en croyait pas ses yeux ! Mais quelque chose semblait s'agiter sur la face numéro un. Tibin reconnut un ouistiti tout riquiqui se tenant sur les mains et faisant de grands signes avec les pieds. Un singe tout à l'envers dont la longue queue dessinait tour à tour les six chiffres de la planète Toutazar. Tibin aussi savait compter jusqu'à 6 ! Qu'avait-il donc, ce ouistiti, à remuer son popotin de la sorte ? Des fourmis lunaires dans son caleçon ?
Toujours sur la pointe des pieds, Tibin perdit l'équilibre et bouscula le télescope. La lumière violette pénétra soudain dans la lunette et traversa le ciel jusqu'à Toutazar. Tout en criant «saperlope, le télescope !», le singe ouvrit une ombrelle, l'accrocha au rayon lumineux et s'installa à l'intérieur. L'ombrelle glissait à la vitesse de l'éclair ! Le singe arriva tellement vite qu'il tomba sur le derrière. Il retira quelques grains de soleil coincés dans ses oreilles, sauta sur ses mains et se présenta la tête en bas : « Je m'appelle Toutalenver et ton grand-père m'a envoyé à Toutazar afin de cueillir la Guéritou, une plante aux pouvoirs extraordinaires qui pousse au fond des volcans perdus. Il m'y avait conduit grâce au rayon ultraviolet, mais alors que j'allais revenir avec la plante, un orage a éclaté et la pluie a fait disparaître le rayon. J'étais coincé à des années-lumière. »
« Grand-père a trouvé la planète ? Et il ne m'a rien dit ? », interrogea Tibin.
Un grincement se fit entendre. Sûrement le barreau de l'échelle. Tibin pâlit. Il avait désobéi. Il était monté au grenier sans permission et il avait touché au télescope.
« Eh bien, petit scientifique ! Tu ne respectes pas les consignes ? », gronda Grand-Père. Et il enchaîna d'une voix rieuse : « Je vois que tu as fait connaissance avec Toutalenver… Et je dois te féliciter, Tibin, car tu l'as délivré. Il ne pouvait passer que par le rayon du soleil de midi pile-poil. Depuis l'orage, le ciel était trop couvert. Et aujourd'hui, je n'étais pas à l'heure. Grâce à toi, je vais tâcher de fabriquer une potion qui guérit tout. Veux-tu m'aider ? »
« Oh, oui ! »
« Mais n'oublie pas, ajouta Grand-Père, c'est notre secret. »