Le nain roux trop petit pour les champs de maïs

Fleuriste Manchot

Ou comment creuser sa propre tombe.

Il était une fois un nain, roux et trop petit pour les champs de maïs.
Comprenons-nous bien ; quand je dis ici « trop petit pour les champs de maïs », il s'agit en réalité de la morale de cette histoire.

En effet, alors qu'il se baladait au milieu de la plaine, tentant d'échapper aux zombies qui le poursuivaient, il commença à ramasser du bois. Bois qui, il le savait, serait nécessaire à sa survie sous peu. Sa récolte se passait agréablement quand il commença à entendre des bruits d'explosion provenant de diverses directions. Il se doutait qu'il ne s'agissait pas d'un phénomène qu'il pourrait tirer à son avantage, mais espérait tout de même qu'il avait affaire à une espèce pacifique d'expo-poulets, lesquels se développaient de façon exponentielle dans la région.
Bien entendu, il y avait également quelques arbres dont il tirait le précieux bois, il n'était donc pas au milieu d'une plaine désertique. Le souci avec ces arbres, c'est qu'ils abritaient potentiellement les fameux explo-poulets. Les bruits inquiétants s'arrêtèrent un moment, puis une seconde vague commença, plus proche. Inquiet, le nain roux commença à regarder autour de lui avec appréhension. Il prit de la distance avec l'arbre qu'il débitait pour vérifier qu'il n'abritait pas d'animaux potentiellement néfastes pour sa santé.

C'est avec une surprise démesurée (probablement amplifiée par la fatigue), qu'il découvrit, en haut de l'arbre, un de ces fameux poulets. La première frayeur passée, il s'agissait de vérifier que l'animal était bien pacifique.
Habitué des situations désespérées, pour ne pas dire ”aventurier de la galère”, il connaissait parfaitement les quatorze tests à effectuer pour s'en assurer. Le premier, le plus aisé, consistait à poser la question.

« Es-tu pacifique ? » demanda-t-il.

Malheureusement pour bien des aventuriers pressés, les explo-poulets, pacifiques ou non, étaient muets. Sans attendre plus de quelques secondes, il passa au second test.
Il ramassa un peu de terre et l'envoya vers la volaille. Au bout de cinq essais infructueux (le poulet esquivait les attaques sans même daigner lui porter de l'attention), il décida de continuer avec le troisième test.
Il commença à siffloter doucement un air particulièrement agaçant. N'importe quel poulet non pacifique et passablement irritable exploserait dans l'instant, mais ce ne fut pas le cas de celui-ci.
Le quatrième test était particulièrement compliqué à mettre en œuvre. Il entreprit de tracer dans le sol un pentacle runique afin d'invoquer le troisième œil qui lui permettrait de distinguer les intentions de l'animal perché dans l'arbre. Malheureusement pour notre nain roux, la pluie commença à tomber et effaça son diagramme au milieu de l'incantation.

À ce stade, n'importe quel aventurier censé se serait mis en quête d'un arbre disponible afin de gagner du temps. En effet, les prochains tests se basaient sur un état de transe avancé qui ne pouvait être atteint qu'après plusieurs heures de méditation. Heureusement pour notre héros, les souffrances qu'il avait accumulées dans sa courte, mais intense, vie lui permettaient d'atteindre ce stade de recueillement en moins de vingt-huit minutes (son record personnel). Il s'assit donc dans l'herbe et commença à se recueillir. Au bout d'une trentaine de minutes, il était prêt.

Le test numéro cinq était un jeu d'enfant. Il suffisait de fondre son esprit dans celui de son interlocuteur. Malheureusement, les explo-poulets étaient munis de barrières mentales hors du commun qui les protégeaient de ce genre d'intrusion.

Face à ce nouvel échec, l'aventurier s'apprêtait à passer au test six (le plus délicat), mais, heureusement pour notre récit, il fut interrompu. Un zombie qui sillonnait la plaine l'avait repéré et commençait à s'approcher de lui. Le nain roux comprit que ses plans étaient compromis et opta pour la fuite. Il commença à se précipiter dans la direction opposée au mort-vivant, mais au bout de quelques dizaines de mètres d'une course aussi effrénée qu'inutile (les zombies, voyez-vous, ne se déplaçaient pas particulièrement vite) il arriva devant un champ de maïs.
Ne voyant aucune échappatoire, il s'enfonça à travers les tiges.

Très vite, il réalisa qu'il était non seulement perdu, mais également incapable de voir ce qu'il se passait autour de lui.
Non seulement il était perdu et incapable de voir ce qu'il se passait autour de lui, mais il avait également oublié que les explo-poulets les moins pacifiques avaient pour habitude de se balader dans ce genre de champs. Et il commençait à entendre des explosions autour de lui.

Paniqué, il ne savait pas dans quelle direction fuir. Il essaya de dresser une carte mentale des explosions par rapport à sa position, mais la distribution des coups ne suivait aucune loi statistique enseignée à l'école des aventuriers.
Complètement perdu, incapable de trouver une échappatoire, il opta pour la seule solution qui s'offrait à lui : il creusa un trou dans le sol et s'y enterra.
La technique offrait le mérite de le masquer aux yeux des zombies et de le protéger, dans une certaine mesure, des explosions, mais elle souffrait d'un défaut majeur.
Il réalisa son erreur en tentant de remonter à la surface pour récupérer, désespérément, une bouffée d'air.

Le nain, roux, trop petit pour les champs de maïs mourut d'asphyxie et ne sut jamais que les explosions qu'il entendait provenaient en réalité d'un troupeau de vaches particulièrement malades.

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