le passeur de mots
marie--jeanne
(La métaphore du métier à tisser est inspirée par une légende Dogon)
Le Passeur de mots
À chaque levée du jour
Ravauder les lambeaux effilochés de la nuit,
Habiter à nouveau mon cœur, mon corps et mes pensées
Qu’elle a réinventés.
Suspendu hors de mon sommeil,
Je regarde dormir les villes,
J’écoute respirer les hommes.
Je règle mon souffle sur
La respiration profonde de la terre.
Elle porte l’empreinte du silence écouté
Des poètes qui se sont tus.
Homère, Shakespeare, La Fontaine, Hugo, Baudelaire,
Verlaine, Rimbaud, Supervielle, Claudel
Et vous tous, enchanteurs des mots
Je vous révère !
Avec humilité, avec respect
Je pénètre vos univers irrévélés.
Je les rejoins à leur source inspirée.
Je m’ancre à leurs racines, je m’en nourris.
O poètes,
Vos œuvres m’emportent dans la contemplation et la joie,
Elles qui arrachent les masques
Du fini, de l’illusoire et du néant.
Les transmettre, les partager
Avec celui qui déjà les aime,
Comme avec celui qui, inconsciemment, les espère.
Telle est ma tâche.
Poètes, qui enfantez les mots,
Vos paroles, mystérieuses sphères, rebondissent !
Ciel, terre ; terre, ciel !
Je les saisis au vol,
Les pose sur mon cœur, au cœur de mon cœur,
Sur ma voix, sur sa portée.
Je suis le messager de vos enfants de papier,
De nuages !
Je deviens leur verbe de chair,
J’en fais l’offrande.
Je suis le passeur de mots
Poètes, vous êtes leurs Tisserands !
File, file la parole !
Votre métier à tisser est une bouche ;
Sa navette, une langue ;
Son peigne, des dents ;
Le chant de sa poulie, une voix.
Au plus profond des temps
Sifflement de la navette,
Feulement de la poulie se font
Paroles divines.
La première étoffe tissée d’ombre et de lumière
Jamais ne doit être coupée.
Les fils s’entremêlent,
Révèlent leur sens aux hommes
Dans les motifs du tissu du verbe,
File, file la parole
Sur les âmes et les féconde !
Je suis le passeur de mots.
Férocité, violence ; brûle le feu sur la terre.
Outrages, injustice ; s’essouffle le cœur de la terre.
Je clame : tolérance ! Solidarité !
Bienveillance ! Liberté !
Qui s’étendent jusqu’à la démesure
Pour attester la force et la valeur de leurs noms.
J’invite à la douceur et à la compassion,
A ne jamais oublier que
Nous sommes l’autre et qu’il est nous.
Je psalmodie le chant de la paix,
Je me fais l’écho de son appel qui enfle
De par le monde bouleversé,
De sa mélodie si claire et si près de mourir.
Telle est ma tâche.
Je suis le passeur de mots.
Le marcheur du vent.
Ma pensée s’abandonne sur les roselières
Qui frissonnent à la lisière de l’eau
Et délivrent le silence.
Il se glisse entre leurs froides tiges,
Enlace les mots, les sculpte,
En dénude les secrets.
Je connais le silence dérobé
Au bruit et au mouvement de plein jour,
Celui des maisons qui conte leurs histoires,
Celui qui se fait cri au-delà des cris,
Larme au-delà des larmes,
Joie au-delà des joies.
Le silence m’est pause sur mes chemins,
J’y suspends mon pas, y pose mon esprit.
Je suis le messager du vide fertile
De basilique ombreuse et de lisse océan.
Je bois, je bois
Leur immobilité limpide.
Recueilli au-dedans de moi
Dans sa vastité lumineuse
Comme ailes déployées
Je dis le silence et son envol.
(Un temps de pause)
Je suis le diseur de silence
joli texte a la facon d'un conteur, j'aime beaucoup la premiere phrase, bravo
· Il y a presque 12 ans ·christinej