Le penty

Eric

Concours "Le logement parfait"

C'est au bout d'un sinueux sentier sablonneux qui mène à l'extrémité d'une mini presqu'île que se trouve ce joyau. Un petit penty dans la plus pure tradition bretonne, aux pierres polies par les embruns, aux volets vert émeraude que le vent d'Ouest a peint de sa caresse en cueillant la couleur sur la palette de nuances de l'Océan. À chaque fois que j'approche et que cet abri grossit au fur et à mesure de mes pas, j'ai la même sensation de sérénité qui s'insinue en moi, et, à chaque fois je lis avec bonheur - sur la pancarte de bois flotté - les mots : «Le Refuge», malgré la peinture écaillée presque effacée.


Avec le temps, j'ai appris à manier la clef dans la serrure quasi grippée par l'iode, mais il faut toujours ce petit coup d'épaule immuable, qui se transmet de père en fils, pour que presque du premier coup, j'ouvre la porte. Je retrouve l'odeur forte du bois et de l'humidité qui semble vouloir raconter les mille souvenirs qui la hantent. Mes yeux s'habituent à la demie pénombre due au plafond bas comme un ciel triste et aux deux minuscules fenêtres sans prétention mais dont la vue est pourtant un trésor, un émerveillement par ce paysage en perpétuel mouvement.


La pièce principale sert de salle avec son vieux vaisselier en bois foncé qui trône fièrement sans broncher malgré le poids des ans, sa table qui n'en fini pas de tanguer comme un pirate à la jambe de bois et son banc patiné par tant de glissades de fesses, et aussi de cuisine, avec cette cuisinière sans âge qui semble avoir sa propre humeur, sa propre envie de fonctionner ou pas même si elle a toujours réchauffé les estomacs et les coeurs.

À gauche dans une pièce attenante, une chambre minuscule emplie de son lit, d'une petite armoire et quelques étagères où des livres fatigués se reposent de leur récit d'aventures maritimes. Au fond de la salle, on pourrait croire la porte d'un placard mais ce sont les commodités, je ne pense pas que l'on puisse faire plus petit.


Bien sûr tout cela n'est pas d'un grand confort et un peu rustre mais ce penty et chacun des objets qui l'habite ont une âme, une histoire parce qu'ils ont connu les doigts et le regard des anciens. À l'extérieur, les murs sont pailletés de sel à force d'essuyer, durant des décennies, les tempêtes succédant au soleil d'été qui ont forgé le caractère de ces pierres et dont le toit semble indestructible malgré les intempéries.


Les fenêtres ouvertes, le penty semble reprendre vie et de nouveau respire sous le souffle frais d'Avril qui vient de l'horizon. Le soleil étend son ombre sur une partie du jardin sauvage et baigne de chaleur l'autre moitié où les premières fleurs s'étirent dans un désordre joli. Emmitoufflé dans une multitude de pulls, le bonnet visé sur la tête jusqu'au yeux, je me pose à mon endroit préféré, sur le petit banc en granit face à l'immensité, bercé par le bruit des vagues qui donnent l'assaut au pied de la falaise.

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