Le Père Noël
Ce N'est Pas Moi, Ordi Hacké
Dans la partie la moins éclairée de son salon, disposant d'une simple feuille de papier et d'un stylo bille, l'homme avait le corps aussi vide d'énergie que sa tête était vide d'idées. Sa muse l'avait quitté, sans préavis, laissant le créateur bien démuni. L'homme se sentait ridicule. Le calme avait pris depuis deux ans toute la place de sa vie, mais c'était un calme tendu, austère. Une larme coula tout au long de sa joue pour atterrir sur la page toujours vierge. C'est que depuis deux ans, Laura était partie. C'est que depuis deux ans, il comptait les moutons tous les soirs au lieu de l'admirer. C'est qu'elle avait fugué, avec un voyageur. C'était plus le bonheur, et jamais la bonne heure. Alors sa nouvelle vie, il ne faisait que la consacrer à la recréer sur le papier. Mais à force de l'avoir admiré de tous les mots de beauté, il n'avait plus là tellement d'idées.
C'est alors qu'il en eut une brillante, d'idée. Pour elle, il allait créer de nouveaux mots, encore et encore. Des mots d'amour inédits, des mots de contemplation et des mots d'envies. Il allait refaire le dictionnaire, et entrer dans une nouvelle ère. Il allait ternir ses larmes en la poétisant. Il allait apprendre de l'écriture, encore plus que d'ordinaire et allait faire de ses ratures le cafouillage d'une nouvelle vie. Où il pourrait créer une autre Laura, ou tout simplement une autre femme. C'est ainsi qu'il se mit à lire avidement tous les poèmes qu'il croisait ; toutes les nouvelles parlant d'amour et toutes les chansons de gestes évoquant les gestes d'érotismes.
Alors il reprit son papier, et il la créa. La nouvelle Laura, qui ne s'appellerait plus ainsi bien entendu. Il la fit rougir, il la fit mugir, il la fit mûrir. Il la fit confite, il la fit déconfite face à la misère du monde, donc d'une sensibilité extrême. Il la fit à son goût. Tournée vers le futur, sans jamais d'aventures romanesques autres qu'avec lui comme avait pu le faire Laura. Il la modela pendant des semaines, pendant des mois. Il se créa des émois. Il s'endormait tous les soirs en pensant à elle, à sa Muse, à cette femme qui l'amuse. L'amuse de sa pudeur, l'amuse de sa candeur, l'amuse de sa peur envers le noir qu'il voulait lui soigner, en la portant peau à peau, contre son odeur. Il la fit belle bien sûr, mais pas forcément la plus belle. Celle qui avait son charme, celui-là indéniable. Il suffisait que de ses yeux, transpirent l'amour et la bonté. Il suffisait que de son cœur, transpire l'admiration et la confiance en soi. Il ne voulait d'une femme soumise, comme il ne voulait se soumettre. Il voulait l'avoir et l'être.
Ainsi il l'écrivait, jour après jour, nuit après nuit. Puis quand ce fut fini, m'enfin à son bon goût, il décida de la poster, à la rue du Père Noël.
Le temps passait, le temps l'exaspérait. Il ne dormait, il songeait, il pleurait.
Quand un 25 décembre, il entendu sonnerie à sa porte. Il n'avait pas envie, de bouger de son canapé. Il était tout ébouriffé et surtout bien sonné. Sonné de sa soirée solitaire où il avait bu quelques verres. Mais la sonnerie insistait, il n'y avait qu'une manière pour la faire taire. Alors voir de quel bois l'on se chauffait dehors. Aller remettre les pendules à l'heure.
Ainsi, dans un gémissement de découragement, il alla à la porte et ouvra sans même regarder dans l'œillet tant il était sûr qu'il renverrait ailleurs son passager.
Mais le grand frisson l'empara, une fois la porte ouverte. Il n'y croyait pas, il n'y pensait pas, il se fustigea de ne la reconnaitre. Mais pourtant c'était elle, celle-là même qu'il écrivait soir après soir. Son idéal physique, et, il ne manquerait pas de le constater au plus tôt, son idéal mental. Le Père Noël avait dû lui envoyer une lutine. Pourtant, il s'agissait juste d'une simple femme qui demandait l'aumône. Son homme l'avait mise dehors, après l'avoir trompé. Alors elle avait écrit au Père Noël. Pour trouver un homme à sa façon, un homme à sa raison ou à sa déraison, voyez vous-même. Et elle avait reçu une réponse. Avec une seule phrase : l'adresse de notre ami.
Vous imaginerez donc la suite. Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants. Mais avant d'enchanter tous les contes de fées, ils se contentèrent de s'inviter à dîner. Ils avaient au final tant à se dire, à se décrire, à s'éblouir.
Au feu la chaleur qui guettait. Ils tombèrent amoureux. C'est une histoire de plus, une simple histoire d'amour.
un chef d’œuvre
· Il y a plus de 8 ans ·immense bravo, vraiment
bouche bée
torpeur
voilà un style que te va bien aussi j'adore
· Il y a plus de 8 ans ·fanche