Le piano
linette
Alors que je me promène dans une petite rue, j'entends une musique provenant d'un petit café. Je suis sûre de l'avoir déjà entendue quelque part. Puis, je me souviens.
Mon grand-père aimait écouter cet air joué par un piano. Déjà toute petite, j'aimais énormément la musique. J'étais constamment entourée par celle-ci : mes grands-parents étaient sans arrêt en train d'écouter différentes sonates dans leur grand salon au mur peint d'une douce couleur crème. J'y ai passé une grande partie de mon enfance, à peu près tous les soirs après l'école.
Assise sur leur immense et confortable canapé, je faisais mes devoirs en balançant mes pieds dans le vide, au rythme de la lente mélodie. Mon grand-père, lui, était installé dans son fauteuil favori, un large siège aux accoudoirs hauts et moelleux, lisant son journal et écoutant distraitement cette chanson. En général, lorsque mon travail était achevé, j'aimais m'y asseoir et je déchiffrais doucement les mots que je pouvais lire dans son magazine. Ensuite, vers seize heures trente, ma grand-mère, Mamie Lise, arrivait avec un paquet de biscuit qu'elle déposait sur la table.
Un jour, alors que je pénétrais dans l'entrée, je relevai le nez et je sentis une odeur de tabac froid. Comme à son habitude, Mamie Lise s'indigna avant d'aller ouvrir les fenêtres. Et quand je franchis la grande porte, qui menait au salon, j'aperçus mon Papi assis au piano. Émerveillée, je le regardai, en silence, bouger ses doigts au-dessus des touches noires et blanches et je m'imaginais voir les notes s'élever dans l'atmosphère et s'organiser pour former un air harmonieux. Je le voyais aussi regarder de temps en temps la partition de sa sonate de piano préférée. A la fin du morceau, comme revenu à la réalité : les notes qui dansaient, parfaitement arrangées, tombèrent. Je me précipitai vers cet homme, que je considérais comme mon second père. Il me regarda surpris, puis un sourire en coin vînt orner son visage, marqué par les années. Je sautillai, incapable de me contrôler et je lui avais demandé, surexcitée, s'il pouvait m'apprendre à jouer comme lui. « Je serais une très bonne élève », lui avais-je promis. Il avait alors rit de sa voix grave et rauque.
Bien que je pense cela, je ne suis pas certaine de ce que j'avance. Je ne me souviens plus vraiment. J'ai décrit sa voix telle que je l'imagine, étant donné qu'il fumait, je lui ai toujours attribué une voix rauque.
Après avoir repris son sérieux, il avait accepté et c'est à ce moment-là que j'appris à jouer du piano. Tous les jours, une fois les exercices terminés, je ne m'asseyais plus sur les bras du fauteuil devinant certaines phrases, mais sur les genoux de mon grand-père, apprenant à lire les notes et leurs positions sur les touches. Après deux semaines d'apprentissage intensif, je savais comment lire une partition et positionner mes doigts sur le clavier.
Cependant, avant que mon grand-père puisse m'apprendre à jouer l'air de musique qu'il aimait tant, il disparut de ma vie du jour au lendemain.
Depuis cette époque, je n'ai plus touché à un seul piano de ma vie. Même si je souhaitais pouvoir savoir en jouer correctement un jour.
Seulement, personne ne pouvait, à mes yeux, m'apprendre mieux l'art du piano que mon grand-père.
La pensée fait vivre le défunt. L'action lui redonne l'existence
· Il y a presque 10 ans ·jom