(‘Le poker’ de Felix Vallotton) : L’échec
whyannieis
Le poker, c’est ma passion depuis mon enfance.
Je gagne dans n’importe quel tournois.
Alors je suis devenu joueur de poker professionnel.
Ma technique, c’est de bien observer mon adversaire.
Comme le moindre geste peut révéler ses pensées et donc ses stratégies, c’est la meilleure façon de bien connaître son adversaire.
La mémoire, au contraire, ce n’est pas important.
Ce soir, on m’a invité à une soirée de M. Machin.
Je ne le connais pas. On m’a dit qu’il était un grand magnat de la finance.
Moi, j’avais été payé pour le tuer.
En dehors des tournois, je suis tueur à gages.
Je n’ai jamais raté aucun tournoi, ni même dans le travail délicat.
On a dîné dans une grande pièce sombre.
M. Machin avait l'air distant et froid. Mais il était assez bavard.
Il a dirigé la discussion, et les invités, à part sa fille, se sont contentés de l’écouter.
Sa fille s'est assise en face de moi. Elle avait l’air impatiente. Il me semblait qu’elle avait hâte de terminer ce dîner interminable.
Moi aussi, je voulais que cette soirée s’achève le plus vite possible.
Après le dîner, elle a proposé de faire une partie de poker. Naturellement, j’ai accepté.
On aurait dit que M. Machin n’était pas du tout content. Au contraire, sa fille avait l’air gaie.
Alors on a commencé une partie avec cinq personnes.
M. Machin a continué son discours ennuyeux mais sa fille avait l'air très concentrée dans le jeu.
Ça m’a surpris qu’elle ait joué aussi bien que moi.
Chaque fois qu'elle a relevé la tête et m'a regardé, j'ai vu une énorme complexité dans son regard.
Après quelques tours, des invités sont partis l’un après l’autre.
Il ne restait que nous deux dans la pièce.
Je me suis levé, mais elle a proposé un jeu de cartes de deux personnes.
J’ai hésité, car je devais retrouver ma cible.
Mais en même temps j’étais attiré par elle : par son parfum de jasmin ? Ou par son talent insolite dans ce jeu délicat ?
J’avais envie de m’approcher plus d’elle.
J’ai avancé doucement, puis je l’ai embrassée, mais elle a sursauté.
C’était dû à sa timidité… ou à mon revolver dans ma poche de poitrine ?
Il était presque minuit quand je suis parti.
Quand j'ai atteint le palier, je me suis rendu compte que je n’avais pas achevé mon travail.
En plus, ce qui était pire qu'un échec, c’était que j’avais refusé une concurrente brillante.
Mes pas sur le trottoir étaient plus lourds les uns que les autres. Il me semblait que je plongeais progressivement dans un monde maléfique…
Soudain, un grand homme m'a dépassé. Il m’a lâché plusieurs balles dans la tête.
J’ai voulu reculer et sortir mon revolver mais j’étais déjà tombé.
Puis, j'ai entendu des pas rapides derrière moi.
Quelqu'un m’a tenu fort, et on m’a murmuré à l’oreille.
Mais, je ne pouvais pas lui répondre, ni bouger.
J'avais l'impression que j’étais sorti de mon corps, et on m’a emporté à une vitesse vertigineuse dans le ciel...