"Le Poker" - Le coup de Poker

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De la violence du jeu, et de l'amour entre femmes.

LE COUP DE POKER 



Personnages dans l'ordre d'apparition:

- Roi de  carreau - César
- Joker
- Valet de carreau - Hector 
- Reine de coeur - Judith
- Reine de pique - Pallas Ath
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Approchez-vous.

Regardez.

Ici s’ébat en quelques tours de mains, l’histoire de l’humanité.

En voici les acteurs :
 L’homme à gauche de la scène se figure qu’il est né roi.
Adoubé d’une auréole de lumière, il porte fièrement sa couronne de cheveux blonds, gage de ses années d’expérience. Il règne aujourd’hui sur les cartes, son embonpoint enrobant à peine la rage de vaincre qu’il porte au ventre.

 En face de nous, un moustachu dégarni  semble réduit à une bouffonnerie de bas étage.  Invité pour compléter le jeu, il aurait pu être n’importe qui.

A droite, enfin. Un valeureux dandy,  jeune et frissonnant !
Son nom est Hector, il se trouve là pour le défi.  Il combat toujours jusqu’au bout de la manche, pour son honneur, sans même se soucier de sa main : un valet et un trois condamnant son jeu au bluff.

Silencieusement, ces mâles se jaugent, se ruinent et se trompent.

Eh bien, que cela divertisse ces Messieurs !
Qu’ils alignent bien sagement leurs petits cartons ! Soyez sûrs, chers spectateurs que ce défi distrait, que vous ratez le vrai spectacle.

Si vous voulez comprendre qui tire les ficelles, détournez donc vos regards des marionnettes.

Deux autres personnages se font face : deux femmes.
Gardez-vous de les mépriser, de les imaginer tout juste feulantes et essoufflées sous votre poids.

Messieurs les hommes, chers spectateurs, n’oubliez jamais de prêter attention aux visages de vos adversaires.  
Les dames.
Celles-ci se livrent devant vos yeux une lutte de piques et de cœurs, entendez les.

Alors que les cartes s’abattent coté hommes, elles, elles prennent à peine connaissance de leurs couleurs.
La grosse dame blonde en face de nous est la femme d’Hector, elle, c’est le rouge : rouge de jalousie, rouge de colère et rouge de honte.

 En face d’elle, l’amante de son mari.

Elles se regardent.

La jeune a les yeux sombres soulignés de Khôl, elle resplendit la jeunesse et le triomphe. Dans ses grandes pupilles dilatées on entrevoit sa couleur : c’est le noir. Celui d’un rictus d’innocente cruauté.

Et que la meilleure gagne !

Puisque ce n’est qu’une affaire de femmes, un combat en ultrason se prépare :
violent mais discret.
Pendant que les hommes trient leur jeu, elles comptent désormais leurs atouts.
Long cils recourbés, jambes bientôt démêlées, cheveux en bataille, sueurs au front et cris aigus  pour la nymphette qui fourbit ses armes avec la lascivité d’une braise sous la cendre.  

Long cheveux clairs, vertu de fer, chair tendre, et mamelles maternelles : lui répond la reine aux lèvres rouges, portant avec fierté sa beauté de la veille, et les cornes d’un mariage en feu.

C’est Athéna contre Judith. La pure majesté contre la séduction forcée. L’art de la guerre contre La résistance au combat.

« Madame, vous êtes très en beauté  ce soir ! », voici une pique pour la dame rouge.
« C’est le bonheur qui rajeunit Mademoiselle » voici du bluff pour la reine de pique.

Et que misez-vous donc dans une partie de poker Mesdames ?
Comment Messieurs ? L’honneur et l’argent vous supposez ?
Vous n’avez donc pas saisi pauvre babouins masculins.  Vous êtes trop bêtes ou trop fiers pour voir les coups de langue et d’esbroufe de celles qui à vos côtés se couchent.

Trop concentré sur votre jeu, vous ignorez cette lutte, et si par hasard  votre attention s’était posée sur elle, vous n’y comprendrait rien.

C’est vous pauvres pions, les jetons dans leurs mains, c’est vous ces titres sans couleurs qu’elles s’empressent de jeter sur la table, c’est vous mes rois et vos couronnes de cornes qu’elles se disputent

Ici la morale ce ne sont que les règles du jeu.

Eh ? Comment ?

Allons, allons ne vous crispez pas ! Voyez comme de votre arène  elles se retirent, pour faire tapis en tapinois.
Leur duel est bien plus sibyllin que le vôtre.
Et si elles n’avaient pas encore leurs cartes dans leurs mains, elles se taperaient presque les tapins, pour gagner les faveurs d’un Dandy, ou pour reconquérir un galant.

Qui sera la plus belle ? Qui aura le regard, les gestes et le sourire ? La femme ou l’amante ? L’expérience ou la jeunesse ?

Approchez-vous pour la fin.
Atouts à découvert, Mesdames, Messieurs. L’issue est imminente.

« Allons, je vous offre un verre Violette, il n’y a que vos beaux yeux pour me consoler d’être malchanceux aux jeux » dit le Dandy.

Chapeau vieille dame.
Un bloody mary, donc pour la dame en rouge qui s’est bien défendue. 


XX

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