Le rejeton des pavés

arnaud-luphenz

Un écho. Un faisceau ombreux. Le gamin ne semblait appartenir au monde que par intermittence. Il était celui que j’aurais pu être, si mon père m’avait jeté à la rue, plutôt que de faire de moi un sombre ballon de baudruche. Une vanité en expansion. Les yeux du jeune dealer, le plus souvent hagards, en disaient long sur les contrées et les dragons qu’il rejoignait dans l’obscurité de ses méninges. Une mer démontée, loin des rivages. De larges vagues où il n’avait plus pied. Des fosses marines. Il chutait à l’intérieur de son horizon. Cette mise en abîme lui permettait de presque tout endurer sans sourciller. Il ne devait pas sentir le foudroiement de l’existence dans ces parenthèses. Ses pas se situaient hors de la quadrature du cercle. Sa ligne de fuite se traçait à la moindre occasion. Il était à vif, martyr de la rugosité s’infiltrant dans l’air, écorché depuis que sa mère avait donné jour à ses démons. Le placenta ne conserve pas que la chaleur du corps, il peut se faire nid d’enfers, attendant leurs heures comme une oraison. Cette rage déjà prégnante, telle une promesse de manque d’amour, sanctionnait une relation avortée. Celle que l’enfant entretenait avec lui-même, la seule qui demeurait à vie. Le cordon ombilical ontologique avait été sectionné. Il convenait pourtant de le chérir, de le faire fleurir, sous peine de châtiment capital. Je le savais dans ma chair.

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