Le remède

petisaintleu

Hommage à Robert Smith

Robert était plongé dans ses questions existentielles, exacerbées par l'héroïne qu'il venait de s'injecter.

Cela prit 17 secondes. L'acide ne l'avait pas fait plonger totalement dans le nihilisme. Il l'invitait dans des contrées oniriques et mystérieuses, dans des kaléidoscopes tangentiels qui pouvaient laisser une lueur d'espoir, même à la frontière d'une forêt laissant supposer que des monstres tapis dans l'ombre attendaient leur heure pour le dévorer. M était encore là, visage qui le retenait à ne pas se décharner totalement l'esprit. Les heures s'écoulaient sous une figure tutélaire et féminine.

Ça se compliqua avec la foi. Elle ne pouvait que disparaître, trop faible pour supporter les colonnes des stupéfiantes potions injectées. Du clair-obscur, il passa aux couleurs sombres où tous les chats sont gris. D'autres voix, de plus en plus désincarnées, l'éloignaient des heures saintes pour le conduire, le visage pale, vers une cérémonie funéraire. On pouvait craindre qu'il ne quittât ce bas-monde en apnée, respirant comme un noyé, alors qu'il essayait de se retourner mais que, finalement, sans bruit, il glissa et frappa sa douce tête brune.

Il n'eut pas le courage de se pendre comme son acolyte Ian Curtis. Avant que son ambition ne se terminât à l'arrière d'une voiture noire, il envoya tout balancer dans un dernier opus pornographique. Tout se teignit d'un pourpre méphitique. Cent années ne suffiraient pas à décrire les visions hallucinées de jardins suspendus, d'un jour étrange ou de siamois déformés sous une lumière rouge. Le drame n'eut pas lieu. Il prit conscience qu'il devait combattre cette maladie, trouver un remède.

 

Et moi, je me tenais au bord du gouffre. Encore trop immature pour en saisir toute la profondeur, mais tenté de m'y plonger comme je l'aurais fait suite à la lecture d'un Huysmans dans sa période décadente.

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