Le rendez-vous

aile68

Du vent sur la mer, des enfants sur la jetée, on dirait des aventuriers avec leur teint basané et leurs cheveux trop longs. Leurs cris pourraient percer les voiles des bateaux dans l'eau. Des oiseaux fiers planent au-dessus d'un bastion usé par des vagues agressives, la plage désertée s'affole de tant de vacarme colérique. On a rangé les parasols, les transats. La nature se déchaîne, furieuse, le sable tourbillonne sous mon regard ébahi, comme bousculé par des déferlantes qui éclatent et me coupent les jambes et le souffle. Moi la montagne de chair et d'os, je me sens vulnérable, soudain fragilisé par tant de violence. Bien à l'abri dans ma taverne de bord de mer, je sirote une bière pour me donner du courage, j'avais rendez-vous, par cette tempête elle ne viendra plus.Trop de mauvaises vibrations, de vitres qui tremblent. Un couple d'amoureux s'étreint, il la rassure, elle le suit dans ses paroles réconfortantes. Je me sens plus que jamais seul avec ma bière à la main. Je ne sais même pas à quoi elle ressemble. Désagréable ce sentiment d'être dans un mauvais scénario, un mauvais film.  Sous l'effet de la tempête le portable ne passe pas. Personne dehors, le jour s'est assombri sous les gros nuages noirs, les enfants sur la jetée s'en vont en courant. Je vois la porte s'ouvrir. On dirait que c'est elle avec ses yeux hagards et son air de chercher quelqu'un. Elle a bravé le mauvais temps pour honorer notre rendez-vous. Je l'aime déjà comme un adolescent. Je voudrais être un pirate et l'enlever par delà les mers. Elle s'approche tête baissée, ne me dit rien, elle a un foulard rouge autour du cou. Lorsque le tonnerre se met à gronder, elle lève la tête et j'aperçois une balafre sur sa joue comme un éclair dans le ciel qui se déchire.

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