Le requiem de Soligny

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Journaliste musical, musicien à qui l’on doit notamment Duel au soleil pour Etienne Daho, Jérôme Soligny publie son premier roman. En partie autobiographique, Je suis mort il y a vingt-cinq ans nous replonge à l’époque où le sida était encore ce mal méconnu et déjà meurtrier

Jérôme Soligny n’a rien délaissé. Ni ses activités de journaliste (Rock & Folk), ni celles de traducteur (pour la maison de disques EMI). Pas plus qu’il n’a tourné le dos au musicien, compositeur et arrangeur qu’il a toujours été (Etienne Daho, Lio…) et ne cessera jamais d’être.
Biographe de David Bowie, spécialiste de la scène glam, Soligny s’est, au contraire, nourri de toutes ces facettes pour accoucher de Je suis mort il y a vingt-cinq ans, son premier roman, paru au printemps 2011 chez Naïve.
Une centaine de pages qui donnent l’impression d’avoir eu besoin d’une longue période de maturation et qui, pourtant, n’ont nécessité qu’un court temps de rédaction : « Je l’ai écrit en quatre semaines, entre 3h30 et 6h30 du matin. » Le déclencheur ? « Quelque chose de très banal. Une affichette dans une mairie à propos de la remise en friche de certaines tombes non visitées. »
Je suis mort il y a vingt-cinq ans raconte les derniers instants de la vie d’un jeune homme. Un simple malaise sur la plage américaine de Coney Island, un diagnostic et la sensation d’un froid intérieur immense : nous entrons de plain-pied dans les années sida, même si le mal n’a pas encore de nom, du moins de notre côté de l’Atlantique.
« Alors, comme ça, j’ai le système immunitaire qui flanche, j’me défends plus très bien ? » Sans jamais se complaire dans le drame, Soligny nous replonge dans une époque où l’on commence à comprendre qu’on peut mourir d’aimer. « Ça se traite mais on n’en guérit pas. C’est quoi ce binz ? » Ce binz, c’est le drame d’une génération qui réalise que le sida n’est pas un simple cancer dont seule une partie de la population, les homosexuels en l’occurrence, aurait à se méfier (1).
En partie autobiographique, l’histoire laisse néanmoins plus de place à la vie qu’elle ne montre un narrateur s’apitoyer sur son sort. Retour au Havre, le bercail, et à Paris. Les proches sont là : Christophe, l’aspirant rock star, capable, sur un coup de tête, de partir à Londres pour aller voir un concert, Gwen, la petite amie et les autres, Valentin, Jean-Claude… La musique y est omniprésente : Rod Stewart, T Rex, les Smiths, Robert Palmer, Prince. On y recroise les Maisonnettes et leur Heartache Avenue. La bande originale de Purple Rain ne quitte pas les platines…
Le rythme est soutenu, presque musical. En ce sens, Soligny a pondu un roman qui se lit d’une traite. Aussi, lorsque l’on termine cette espèce de partition faite de mots et dénuée de bémols, on ne la referme pas complètement. On se surprend à relire certaines pages comme on réécoute certains passages d’un disque qui nous a coupé du monde l’espace d’une heure ou deux. Après quoi, on s’en va poser Coney Island Baby de Lou Reed sur la platine. Au moins le temps que l’imprégnation ne s’estompe.

(1) L’une des premières victimes célèbres fut le chanteur Klaus Nomi, en 1983. A l’époque, les médias avaient annoncé sa mort en parlant de cancer des homosexuels.

  • Complètement d'accord avec Reverrance, j'ai très envie de lire ce livre, d'autant qu'au début de l'épidémie virale, même à l'hôpital on a entendu des sacrées conneries et des horreurs sans nom. Mais ce genre de livre est très bouleversant et laisse des traces et des souvenirs cuisants. Belle chronique qui atteint son but.

    · Il y a presque 12 ans ·
    Gants rouge gruauu 465

    eaven

  • Critique qu donne envie de lire le livre

    · Il y a presque 12 ans ·
    Tyt

    reverrance

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