Le Ring

stockholmsyndrom

20H47. Dénouement imminent. Le « ring » en ébullition. Les caméras tournent et l'Amérique impatiente est une nouvelle fois au rendez vous : Les plus grosses chaines TV du pays diffusent l'événement une fois par mois. Il régnait toujours une atmosphère électrique avant les duels. La minuscule salle était comble, il y avait la autour des grillages entourant la table ou tout allait se passer une cinquantaine de prisonniers surexcités a l'idée de penser au spectacle qui les attendait. Ca sentait la sueur, la pisse et la bestialité, un cocktail nauséabond. Les gens gueulaient, agitant quelques Dollars dans leurs mains, lançant le poing serré droit vers le ciel, au rythme saccadé des voix graves poussant des cris a faire trembler la salle.

Bud Koncheski se réjouissait, l'œil pervers et avisé, regardant plus bas, de par la grande baie vitrée, la foule fanatisée, aveuglée par les puissants néons jaunes suspendus au plafond. Koncheski était le directeur de prison le plus controversé, le plus immoral et bien évidemment le plus riche des Etats-Unis. Autour de lui, au beau milieu de l'épaisse fumée émanant des Cubains aux bords des lèvres, se tenaient toute sorte de pontes venus assister a la victoire de leur investissement de la soirée : Ed Duncan.

Les néons jaunes s'éteignirent d'un coup sec pour laisser place a une minuscule ampoule, juste au dessus de la table au centre de la pièce. La foule s'empara a ce moment la d'une folie frénétique, c'était l'heure, enfin. La porte donnant accès a la cage s'ouvrit et laissa place aux deux protagonistes menottés et escortés par deux gardes. La salle était sur le point d'imploser. Les deux adversaires se tenaient face a face, droit dans les yeux. Le speaker entra a son tour en costar bien taillé, attisant une foule déjà enflammée, criant dans son micro en or massif, acteur d'une sordide mise en scène découlant vers la mort.

A sa gauche en train de baver des injures dégoulinant sur son menton, tel un chien enragé, Ed Duncan, puissant colosse d'1m96, Néo Nazi de profession et de culte, en approuve l'aigle tatoué sur les deux tempes de son crane rasé a blanc. Ed avait été condamné a la peine de mort après avoir été reconnu coupable d'un sextuple homicide volontaire, après avoir provoqué un incendie dans une immeuble dans le quartier noir de South Central a Los Angeles, le genre de fils de pute ayant une espérance de vie limitée dans les prisons Californiennes. Pourtant, Ed était la, et les gens scandaient son nom. Il en était déjà a sa 5eme victoire et jouissait d'un espèce de statut quasi mystique d'ordure tellement malsaine que même dieu n'en voulait pas, ce qui était un avantage en l'occurrence, a ce moment précis. Ed était aussi devenu en quelque sorte le Poulin, et donc le petit protégé du directeur Koncheski, Ed était devenu par pur hasard la poule aux œufs d'or de Koncheski. Elle était la sa vraie chance, et c'était sûrement pour ca que son cœur battait encore aujourd'hui, par pur hasard. Pas étonnant donc que tous les paris enregistrés par Koncheski se dirigeaient vers la victoire de Duncan, soit par l'engouement entrainé par le mythe, soit par suspicion de corruption, mais tout cela importait peu.

A droite, dans le coin sombre se tenait Robert O'brian, ancien militaire d'une cinquantaine d'année. O'brian portait moins d'engouement a l'événement que son adversaire. Il n'arrêtait pas de fixer le bout de ses chaussures. Il n'eut aucune réaction quant a l'annonce de son nom dans le micro, même pas un regard lancé a la foule, toujours le bout de ses chaussures. La foule n'en fit pas beaucoup plus. O'brian n'était la que depuis 2ans et était d'une discrétion sans failles, de sa vie jusqu'au son de sa voix, tout demeurait mystère chez lui, son visage dur et marqué ne revenait pas a beaucoup de monde. Une seule chose était sure, O'brian avait été reconnu coupable du meurtre de sa femme. Apres n'avoir jamais cessé de clamer son innocence, il s'était retrouvé la, a se faire ronger par l'acidité des remords et de l'injustice, avant de pouvoir enfin déambuler dans le couloir de la mort. Ses yeux étaient éteints, ni haineux, ni tristes, juste éteints. O'brian était certainement déjà mort et le faire participer a ce jeu était certainement au final un service que Koncheski lui rendait, un moyen d'abréger ses souffrances.

« Relève la tète, fils de pute ! » Lança Ed. Le public repris la phrase, les insultes pleuvaient, « Regarde la mort en face, couille molle ! » poursuivit Ed. Les grillages tremblaient, des crachats venant percuter le visage d'O'brian. Le speaker ordonna aux deux hommes de s'assoir a table, face a face, l'ambiance a son apogée, puis il ordonna le silence, en vain. Il insista, les grillages bougeaient toujours autant, l'endroit paraissait totalement abandonné aux animaux et leur instinct, ce qu'ils voulaient a présent c'était du sang et du fric, tous autant qu'ils étaient, du bas de la salle jusqu'en haut de la chaine alimentaire se tenant derrière la baie vitrée. L'un des deux gardes tira deux coups de feux au plafond et le calme revint, progressivement.

Les deux hommes étaient dans la lumière. Entre Duncan et O'brien, au centre de la table se tenait un revolver Smith & Wesson, barillet a 5 coups. La règle était simple, une seule balle et pas de tours de barillet : la roulette Koncheski, aussi douteuse que l'arme de destruction massive Irakienne : Un téléspectateur tiré au sort choisissant ou placer l'unique et seule balle dans le barrillet.

Le silence prit par de la pièce. Duncan, privilégié par sa dernière victoire, eut le droit de choisir, pile. O'brien quand a lui eut le droit de ne pas voir la pièce, cela avait l'air de lui importer peu. La pièce tomba sur pile, Ed désigna O'brien pour commencer. Comme dans un remaque de mauvais gout inspiré de « la ligne vert » et d'une voix teintée de cynisme émanant des cordes vocales du diable en personne, le speaker acquiesça un sourire avant de lancer : « Avez-vous quelque chose a dire avant que la sentence soit exécutée ? ».

Ed éclata de rire. Les deux hommes se regardèrent.

« Vous m'avez emmené ici pour voir de quelle couleur est la cervelle de se trou du cul, pas pour que je fasse un discours. »

Le public se remit a gueuler, comme pour approuver ce qu'il venait d'entendre.

Le speaker jeta son regard sur O'brian, comme pour l'inciter a déverser une réplique digne de ce nom, a la Hollywoodienne. Robert balança un bref regard a l'assemblée avant de lancer les dés : « finissons-en. »

La production lança une musique de suspens et la tension atteignit son comble, jusque dans toutes les chaumières des quatre coins du pays. Plus un mot, plus un bruit, le lourd silence évocateur, écrasant la salle entière. O'brien fixait le pistolet comme s'il voyait a travers, le regard perdu dans ce spectacle aussi cruel que de mauvais gout. Rien ne se passait. Au bout d'une minute, Duncan commença a s'impatienter et a insulter son adversaire. Le public, une fois n'est pas coutume, en fit autant et la salle retrouva son vacarme habituel. Peu en importait a O'brien, qui n'entendait que vaguement les cris et menaces, il était ailleurs, dans sa bulle imperméable, celle la même ou il croisait parfois le regard de sa femme disparue. Ses pensées a ce moment précis allaient vers elle, son visage pur et tous les souvenirs qu'elle lui évoquait. O'brien souriait, au beau milieu du flou de la réalité, il était heureux, ailleurs. Duncan frappa du poing contre la table, ce qui fit sursauter O'brien. Il leva la tête. Devant lui, se tenait un pitbull enragé, en attestait la bave dégoulinant sur ses joues poreuses. Il voyait devant lui se qu'étais devenu le quotidien de sa vie, il voyait devant lui l'inhumanité, le dégout. Il s'empara alors d'un sentiment de haine très fort, son visage se ferma, d'une manière inquiétante. Il fixa Duncan droit dans les yeux, comme pour le fusiller sur la place publique et, dans un élan de rage, il attrapa le pistolet, le colla sur sa tempe et, sans pousser le moindre cris, il appuya sur la détente :

CRICK !

CRICK !

CRICK !

CRICK !

Quatre fois. Silence de cathédrale. Il balança le pistolet sur la table, d'un geste confiant.

L'assemblée toute entière était abasourdie. Il venait de se passer un truc incroyable, une première dans la discipline, un mec avait eu les couilles de tirer plusieurs fois d'affilée, jusqu'à l'avant dernière balle, celle la même passant et condamnant l'adversaire a la mort. Plus aucuns mots ne sortaient de la bouche de Duncan, qui se demandait bien ce qui allait se passer a présent. Il n'y avait pas vraiment de règles établies pour ce genre de situations et le public lui, ce qu'il voulait voir c'était de la cervelle en compote. Konchesky lui aussi était dans une position ingrate, tous ses paris venaient de s'envoler a l'instant devant ses yeux, si Duncan venait a mourir, il aurait des comptes a rendre, s'il venait a rester en vie, toute les corruptions occasionnées par l'événement éclateraient au grand jour.

Duncan tourna la tête et la leva vers l'immense baie vitrée ou se trouvait Konchesky, comme pour lui demander ce qu'il devait faire. Konchesky, embarrassé mais pris d'un sang froid remarquable, hocha la tête et signa par ce geste l'arrêt de mort de Duncan.

Duncan baissa les yeux, il ne pris même pas le temps de réfléchir a quoi que ce soit et en deux secondes, le revolver se trouvait déjà braqué contre sa tempe :

 

PAN !!

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