Le rouge lui va si bien

Véronique Pollet

Elle est arrivée plus tôt pour pouvoir choisir sa table: à l'ombre du marronnier en fleurs, dos aux jeux des enfants, face à l'allée centrale. Dans son message il disait: rendez vous 12h30, à la terrasse du café du Parc. Sois à l'heure et porte du rouge que je puisse te reconnaître. Et la voilà, un peu intimidée dans son nouveau chemisier rouge, elle plus habituée aux couleurs discrètes. Chaque nouveau venu fait trembler son cœur, chaque regard échangé lui coupe le souffle. Les glaçons fondent dans son Perrier-menthe, son chemisier commence à lui coller au dos, même à l'ombre. Les jeux des enfants se sont tus, remplacés par les bruits de fourchettes et les conversations de table. Un homme s'approche d'elle, la détaille et la dévisage. Elle s'empourpre, mais il continue son chemin et la dépasse, la mine déçue.
Elle se lève lourdement, laisse la monnaie sur la table et repart, vieillie, vidée.

Moralité: toujours se méfier du daltonien qui s'ignore.

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