Le rusé
brune-el
Deux coups de feu claquèrent dans le crépuscule d’un soir d’hiver pas comme les autres, sans neige, sans froidure, avec une nature triste et désolée à perte de vue. Emeline ne sut pas pourquoi une angoisse indéfinissable l’étreignit soudain et la laissa haletante…
Deux coups de feu venaient de claquer, là-bas, vers le plateau des Robins… puis plus rien. Pas une plainte, pas le moindre cri d’agonie, un silence douloureux ressemblant à la mort.
Déjà, en ce matin de Noël, La jeune femme le sut plus tard, étant absente de la maison de très bonne heure, la bête nonchalante, élégante, qui folâtrait dans les champs en bordure des maisons et des granges, avait été tirée trois fois. Elle avait écouté sans bouger le sifflement des plombs, et seuls deux monstres aboyant, la gueule dégoulinant de bave, l’œil mauvais, lui avait fait comprendre qu’il fallait fuir. Ce fut un jeu d’enfant de semer ces deux assoiffés de sang. Quelle chance ! Les chiens déchaînés couraient comme des tocards et le tireur barbu était maladroit.
Son instinct l’avait conduit à la maison, mais la maison était vide : ni maîtresse, ni nourriture. Alors elle repartit. Hélas, c’était Noël. A Clair Matin, les patrons se détendaient en ville chez leurs enfants, après le travail harassant des journées, toutes les mêmes, sans vrai repos. Les deux chiens avec lesquels la bête aimait jouer étaient bouclés dans la grange. Elle se réjouit tout de même, car elle aimait l’aventure. Belle, vigoureuse, fine et rapide, elle partit à nouveau à travers les champs dénudés et mornes où l’on aurait pu apercevoir un lièvre à l’œil nu à deux kilomètres. Elle mit en émoi un groupe de poules commères qui tentèrent de s’envoler, affolées. C’était seulement un jeu…
Elle reprit sa course vagabonde.
Là-bas, deux silhouettes s’affairaient, élaguant les branches des arbres abattus, les fusils dissimulés dans l’herbe. Désœuvrés, leurs chiens se poursuivaient.
La bête, confiante resta à faible distance, attendant ses deux compères canins pour faire une partie. Mais sans le savoir, elle venait de violer la propriété de ces chasseurs que l’on nomme à juste titre « viandards ». Ils tiraient et tuaient les écureuils, les chiens errants, Ils tueraient leur propre ombre. Le plus trapu des deux, avec un rictus plein de haine et une froide détermination épaula et visa l’animal apprivoisé.
Deux coups de feu claquèrent…
Le proverbe chinois dit : « Le renard mourant regarde toujours sa colline natale ».
Cyprien, renardeau de dix mois, revit une dernière fois, en un éclair, sa maison. Puis ce fut le néant.
Quelle tristesse infinie.
Tristesse et incompréhension devant la bêtise et la violence humaine! Je trouve tardivement ce beau texte! Merci! Je suis profondément anti chasse (toutes chasses) totalement anti-corrida aussi! J'ai eu l'occasion de vivre en Afrique, et les animaux libres et protégés m'ont bien marqué!
· Il y a plus de 10 ans ·astrov
Merci, c'est un renardeau que j'ai élevé au biberon parce que des chasseurs avaient tué sa mère.
· Il y a plus de 10 ans ·brune-el