Le sourire de Mathilde

Mister Writer

Deuxième essai de nouvelle.

Derrière ses lunettes aux bords épais, elle observait ce monde de ses yeux verts perçants. Ce regard qui donnait l'impression qu'elle comprenait ce qu'elle voyait. Pourtant, cette scène était plus qu'absurde, cet homme qui avait l'air de s'ennuyer, attablé avec cinq amis riant aux éclats. Lui, avait plus l'air de soucieux qu'amusé. Qu'est-ce qui pouvait bien l'inquiéter à ce point? Elle semblait déjà le savoir.

Lui, sentait qu'il était observé et il savait bien que c'était la jeune femme brune au fond de la pièce. Il l'a tout de suite remarquée quand il est entré avec ses amis dans ce restaurant. Impossible d'ignorer cette ravissante demoiselle qui dinait seule dans ce grand établissement. Il ne lui a pourtant jeté qu'un seul regard, en rentrant, l'a-t-elle remarqué, il n'en sait rien et ce n'est pas vraiment ce qui le préoccupe, là, maintenant.

Elle avait déjà vu ce regard, cette tristesse qu'il tente de cacher aux yeux de tous. De ce qu'elle peut voir, ça doit faire quatre mois qu'il tente de le cacher, même s'il pense que ça n'en fait que deux. Elle sait bien qu'un homme triste ne se l'admet qu'au bout de deux mois environ.

Son regard, il le sait que son regard n'est pas comme d'habitude, il le voit chaque jour dans le miroir de sa salle de bain. Il s'est réveillé un matin et a compris que son regard était différent, mais il ne savait pas vraiment dire depuis quand. 
Depuis, son reflet le hante chaque jour, chaque matin il espère voir son regard évoluer pour redevenir ce qu'il était. Mais non, au contraire c'était de pire en pire, chaque jour plus triste que la veille, accentué par cette impression de ne rien pouvoir y faire.

Elle a envie de l'aider, c'est dans sa nature, une sorte de "syndrome de l'infirmière", cette idée qu'elle doit quérir tous les maux.
Mais pourquoi ne la regarde-t-il pas? Il devrait bien sentir son regard sur lui depuis presque une heure maintenant. S'il pouvait la regarder ne serait-ce que quelques secondes, elle pourrait lui transmettre toutes ses pensées positives au travers de ses yeux à elles.
Ses amis, riants toujours, ne se rendait même pas compte de l'état de leur ami et ce qui la contrariait le plus, comment, elle une étrangère pouvait-elle se rendre compte de ce que ses amis ignoraient.
Elle commençait à s'énerver toute seule devant son assiette qui refroidissait. C'est le serveur qui la sort de ses pensées, inquiet de voir qu'elle n'avait pas encore touché son plat. Elle tente de le rassurer en s'excusant presque et lui fait un sourire légèrement forcé pour être plus convaincante, le serveur lui rend son sourire et d'un coup elle n'a plus besoin de se forcer.

C'est le moment précis où il se décide enfin à la regarder, mais elle ne le regarde pas, il était pourtant persuadé que c'était elle qui l'observait, au lieu de ça, il assiste à cet échange de sourires entre elle et le serveur et peut percevoir la chaleur dans cet échange. Intérieurement, il l'envie, parce que c'est vrai  qu'elle est ravissante, ce contraste entre ses yeux verts avec ses cheveux bruns, presque noirs, appuyé par ses lunettes. S'il n'était pas marié, il serait surement déjà en train de lui parler.
"S'il n'était pas marié", combien de fois par jour cette pensée surgit-elle? Trop.
En observant ce "couple", il se souvient de ces premiers mois avec celle qui deviendrait sa femme, des souvenirs heureux, alors pourquoi est-ce que ça allait si mal maintenant?
C'est par ces souvenirs qu'il se décide à prendre cette décision. À partir d'aujourd'hui, tout allait changer.
Enfin, libéré de ce poids, il peut enfin apprécier son repas avec ses amis.

Alors qu'un de ses amis appelait le serveur pour demander l'addition, il commence à fouiller dans ses poches pour en sortir un petit morceau de papier et un bic. Au moment de sortir du restaurant, il s'approche de la table de la jeune femme, s'excuse de la déranger et lui donne simplement le bout de papier plié en deux et s'en va.

Interloquée, elle s'attend à y trouver un numéro de téléphone mais lorsqu'elle le déplie, elle fut d'autant plus surprise de n'y lire que quatre mots: "Merci pour votre sourire."

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