Le temps

shagya

Le deuil d'un amour impossible qui disparaît définitivement.


Donnez-moi le temps. Le temps d'oublier ces années passées à scruter maintes et maintes fois son sourire, le temps d'oublier ces mots ineffaçables, ces mots qui touchent, ces souvenirs gravés dans la pierre de mon cœur, laissez le temps marteler la pierre à coup de futur pour briser le passé.
Permettez-moi d'oublier ces désirs inassouvis, ces rêves inavouables. Laissez-moi me recueillir une dernière fois sous l'arbre du souvenir avant de calfeutrer son fantôme à double tour mon pays enchanté, et de jeter la clé dans cette rivière de douleur.
Apprenez-moi à vivre sans muse, à écrire sans amour et sourire sans raison. Expliquez-moi comment chanter et danser sans imaginer son regard posé sur moi, sans gémir de son absence.
Assurez-moi que le temps est un remède à tout et qu'il soigne tous les maux, que ces deux années n'étaient pas suffisantes pour effacer mes tourments.
Promettez-moi qu'un beau matin d'été, je croiserais cet amour au détour d'une rue, juste une fois. Pour que ces larmes de bonheur coulent pour la dernière fois. Pour attirer l'espoir, brigand vagabond, déserteur de mon cœur depuis ce jour. Pour qu'il sorte de sa tanière en déclarant “Mince alors, j'avais oublié à quel point sa beauté était remarquable”.
Laissez-moi divaguer, de temps à autre, dans cette frénésie qui me pousse à rire et larmoyer, en imaginant ses doigts entre les miens, son odeur m'enivrant à chaque inspiration.
Effacez de ma mémoire cette voix prosaïque qui prononce mon nom depuis son bureau. Estompez les traits de son visage qui sautillent dans ma tête et me jouent des tours. Gommez ses courbes célestes qui s'agitent et détournent mon attention.
Séparez mon âme de la sienne, elle, qui est si courbatue de courir hargneusement depuis si longtemps après un cœur qui ne veut pas d'elle, elle qui croulent sous le poids de cette indifférence, Celle d'un cœur qui l'ignore.
Tatouez-moi ses yeux azur sur le corps, pour que chaque seconde me ramène à ce moment ou le temps s'arrêtait, lorsque que son regard figeait le temps. Cet instant ou peu importe ses mots, je plongeais dans ce bonheur qui n'appartenait qu'à moi.
Dites à ce monde que l'amour est incommensurable, que l'amour inconditionnel n'est pas une utopie, mais bien une réalité. Alertez ces individus que ce miracle vous tombe dessus sans crier gare, une matinée brumeuse, une après midi ensoleillé ou un soir de pleine lune, avec une sensation trouble, un sentiment inconnu. Prévenez ces cobayes de l'amour que cette fièvre leur fera commettre des actes insensés, les poussera dans leurs retranchements, et leur fera accomplir des exploits, parfois.
Ajoutez simplement que cette aventure est la plus éprouvante, mais la plus délicieuse de toutes, qu'il faut se laisser aller aux joies d'admirer une muse, de toucher avec les yeux et de savourer avec le cœur.
Ne pas penser au futur, ne pas penser au passé. Seulement vivre. Maintenant, avant qu'il ne soit trop tard.

Signaler ce texte