Le vendangeur d'âme

Thomas Roediger

J'ai vendangé ton corps comme un fruit délaissé par un soleil trop sûr qui croyait t'empourprer.

J'ai vendangé ta vigne à mon arbre pressé et bu de ton sang à tes lèvres embuées.

J'ai vendangé ta voix qui aime s'éventer près d'un chêne ventru au regard affûté.

J'ai vendangé tes mains qui m'ont fait le sarment de ne pouvoir tenir mes pieds enlacés.

J'ai vendangé ta chair à la pulpe généreuse où les pépins amers sont presque oubliés.

J'ai vendangé tes seins dont les désordres lactescents ont imbibé de tanin mes papilles affolées.

J'ai vendangé tes chants comme une grappe de prières et sur ton ventre évanescent je me suis enchristé .

J'ai vendangé ta robe comme un couturier inspiré par l'esthétique du hasard, qui de rondeurs t'a façonné.

J'ai vendangé ton coeur qui sous des voûtes obscures se prend pour le temps en battant la mesure de la maturité.

J'ai vendangé tes yeux dont les pupilles irisées ont versé des larmes pour que je cesse de te martyriser.

J'ai vendangé ton âme qui voulait s'évaporer avant que dans ma bouche gourmande tu te sois sacrifiée.

Pour finir...j'ai vendangé ta vie sans aucune pitié car je sais que bientôt...loin de mes gestes empressés...tu seras ressuscitée.

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