Le ventre du monde
amaende
Moi c'est venu naturellement. Je n'avais rien programmé ou réfléchi. Nous étions serrés dans ce bar. On se connaissait plus ou moins de vu, et le croisement de nos différentes connaissances nous à mis face à face. J'ai pas eu de réflexion à me dire quoi que ce soit. Il m'a peut-être parlé de ce qu'il faisait, de sa semaine, de sa journée, du dernier truc sortie ou machin chose. Il me parlait fluide et moi j'ai du répondre tout pareil. Rien. On buvait. Mais pas trop, juste pour la soif, c'est tout. On fumait. Mais pas trop non plus, ou c'est lui qui a du me régaler, car je me rappelle que le lendemain j'avais encore plein de cloppes pour rouler. Enfin et pour résumer, je n'étais pas en train de réfléchir ou calculer. Rien.
Faut dire aussi que c'était plutôt un transparent. Le type qu'il n'y a rien qui dépasse. A part ces lunettes ou ces pompes d'il y a cinq ans, son absence de carrure en été, c'est manières, attitudes et expressions, son propos et son discours... C'est quoi ce truc sur son tee-shirt ? Le type rêvé à la maison pour dans 10 à 15 ans. Mais t'en feras rien. Putain, il n'a que des cassettes. Même dans dix ans peut-être, même que...
Mais là je suis allé trop vite : je suis dans son lit. Lui dans mon dos. Et maintenant je réfléchis... Mais y'a pas 6 heure de ça...
Y'a pas six heures de ça, ce devait-être la fermeture. C'est pile à cette heure que les potes, amis, frères et soeurs de picole, et autre beaux cul (de mec !) aperçus se perdent dans la nuit (l'époque héroïque sans portable, ni connexion). C'est aussi à cet instant que parfois se trouve une paire d'âme... Plus ou moins sœurs et/ou en harmonie.
C'est pas ce qu'il m'a dit. Pas le timbre ou le son de sa voix. C'est clair que c'est pas son physique. C'est pas que j'avais rien à faire. Pas que je voulais pas aller dormir. Mais quoi ? Pourquoi ? C'est vrai qu'à le sentir contre moi -pousse ta main-, je me dis pourquoi lui ? Pourquoi maintenant ? Mais surtout pourquoi avec lui ? Mais encore une fois, je suis trop en avance. Et je réfléchis (que trop, aussi). Toujours après coup.
« Après coup » !....
Quoiqu'il en soit, nous sommes dorénavant chez lui. Le veinard à son propre appart, mais perché au 4ème sans ascenseur. Il passe devant et moi j'enfile derrière à grimper mon Golgota. Un truc miteux, avec un plancher de bateau tout vermoulu. Y'a 10 milles truc qui trainent, on se croirait sur un bas coté d'autoroute. Son canapé joue au fond de grill pain : y'a plein de miettes !
Je ne peux pas dire non plus que je suis aussi fraîche et propre que la nana de Narta. Sortie du hand, je me suis juste doigtée, en fumant mon stick, et en pensant à rien. J'avais la flemme d'une douche, malgré la nécessité.
Maintenant, pareil.
Tiens j'en roule un. Lui aussi a sorti son matos. Le canapé m'aspire par le fond à me gober vivante. Je sombre. Le sien me tape dur la tête. Le truc que je comprends, c'est qu'il a fait fermenter les têtes. Hein ?! La mienne est bien décollée. D'autant que mon corps coule et chute sans cesse. Infini et dans l'instant. J'ai soif. D'eau. Il m'en apporte et dans le même geste me caresse.
C'est bon. Car c'est dans la « vibe »... Mon corps remonte, grâce à lui...
La dernière chose que je vois c'est son ventre. Il est enceinte de trois mois ! C'est bien un mec car l'aine reste très prononcée, mais il a un ventre de nana engrossée. Le ventre du monde.
Il faudra de toute façon que je me lève. Forcément. Soit je me casse comme ça. Comme quoi, au fait ? Une salope ? Une pauvre fille ? Sa meuf ? Je suis qui ?
En tout cas c'est fait. J'ai ni mal, ni rien. Si cette putain de soif. Y'a du café dans le coin, j'espère ? Je vais chercher les croissants ? Ça serait trop mignon. Mais bon c'est clair que c'est pas Lui. Et même si c'était Lui... J'ai du passé pour une salope doublé de la pauvre fille. Me faire tripoter et tirer vite fait dans le clic-clac boom au bout de deux lattes. J'en ai rien à foutre. J'ai envie de pisser. Putain j'y suis allé dans ces chiots hier soir, pourquoi j'ai pas bougée à cet instant. Il ne dira rien c'est pas son style. Personne ne nous a vu en fait. J'veux dire partir ensemble...
Rien ne me prouve qu'on l'a fait. Rien. Mais je le sais. Je ne me sens ni sale, ni bafoué, ni forcé, salope ou pauvre fille, en fait. Putain des pur beurre !
Qui qui est pour se lever ? Pipi, café, manger un truc. Et boire ! Contre ? Le froid -tiens elle vient d'où la couette?-, croiser son regard, lui parler, récupérer ma culotte et mes fringues.
Putain ça craint si je suis enceinte. Dire que c'est moi qui sermonne ma frangine qui commence à trainer. Non putain, pense pas ça, ça va te porter la poisse.
Henri c'est un prénom de vioc ! Henri t'as du café ? Plus fort ! Henri t'as – Bonjour Henri ? Bonjour mon premier Homme de Ma vie, dis tu m'en voudra pas mais faut que je bouge ! A tchao-Topette ! Merde. Je vais bouger tranquille et on verra. Feu.
Merde ils sont où mes fringues ?! Putain se qu'il faut être conne. La couette mais il va être à poil. Sur qu'il va se réveiller. S'il avait été bien foutu, j'aurais pu le matter. Mon premier mec ! Trop fort !
Aller ma fille, tu as bien entendu il a dit bonjour ! Il T'a dit bonjour !
Alors....
C'est un bon jour, vu que c'était une bonne nuit !
Otidza.
J'adore votre écriture, on est pris par le rythme de vos phrases. Un texte qui dit les déboires d'une génération.
· Il y a presque 14 ans ·raudry
J'aime beaucoup!
· Il y a presque 14 ans ·ko0