Le visage de verdure
Les époux Von Grüt
Ce soir là, Jonathan s'était couché un peu plus tard que d'habitude. Il avait passé toute la journée avec sa famille à visiter un beau château en lisière de forêt.
Sous les draps de son petit lit il s'était doucement laissé emporter par le sommeil, épuisé. Peu à peu il se mit à rêver et commença à entrevoir de beaux rosiers.
« Chouette ! Je suis de retour dans le château ! » se dit-il.
Mais tout autour de lui se dressaient des murs de feuillage: au bout de quelques pas il comprit qu'il se trouvait au beau milieu d'un labyrinthe ! Au détour d'une allée, il buta contre ce qu'il croyait être un rocher. Celui-ci se fendit et un grand œil rouge apparut !
« Qui ose me réveiller ? » tonna une grosse voix.
Jonathan, apeuré, commença à reculer mais il trébucha contre un grand arbuste en forme de nez.
« Je sens un petit garçon… » dit la même voix. « Bientôt tu seras dans mon ventre ! »
« Non ! Laissez moi sortir ! » cria Jonathan qui voulut détaler. Mais le sol s'ouvrit comme une bouche et il tomba dans un énorme trou à l'odeur de terre.
« Ah ah ah – rugit le monstre – maintenant dans mon ventre tu es et tu resteras ! ».
Le pauvre Jonathan atterrit dans une grotte sombre et humide. Peu à peu il y distingua une petite lueur.
Avec précaution, il se dirigea vers elle et découvrit un autre garçon avec un chapeau pointu et une baguette magique.
« Oh la la… Si mon maître était là, d'un coup de sa baguette magique, il aurait ouvert la gueule de Humbaba et je serais déjà libre ! » lança l'apprenti magicien.
Jonathan s'approcha davantage.
« Bon… bonjour… Je suis Jonathan, et je viens d'être avalé ! »
Le petit garçon sursauta en voyant Jonathan, mais rapidement un sourire illumina son visage.
« Oh mais tu tombes très bien justement ! Peut-être qu'à deux on arrivera à sortir d'ici ! Je peux faire apparaître toute sorte d'objets, mais en général ils ne servent à rien… Aide-moi à me concentrer et ça marchera peut être mieux. Sinon, ça peut vite mal tourner… Je sais de quoi je parle ! » soupira le petit bonhomme.
Jonathan s'efforça de penser à quelque chose qui pourrait percer les murs de pierre du ventre du monstre… Si seulement on avait… un marteau piqueur !
L'apprenti magicien retroussa ses manches, agita sa baguette et, abracadabra, un marteau piqueur apparut !
« Incroyable ! D'habitude je ne réussis jamais du premier coup…» s'exclama-t-il. « Bon, pas de temps à perdre ! »
Et ils commencèrent à marteler… Mais au lieu de trouer la pierre, le marteau piqueur chantonnait une mélodie très belle et très triste.
« Ah non ! » gémit l'apprenti magicien. « Ce marteau piqueur ne sert qu'à nous faire pleurer ! »
Mais voilà que le sol de la grotte se soulève, tremble... Humbaba écoutait la chanson. Et elle était si mélancolique qu'elle avait réussi à toucher son cœur de pierre…
Le monstre devenait inconsolable. Il pleurait si fort qu'assez vite il se mit à renifler. Une irrésistible envie d'éternuer s'empara de lui.
Une violente bourrasque envahit la grotte, soulevant les enfants dans les airs et les expulsant par le nez du monstre. Ils étaient libres !
Projeté dans les airs, Jonathan put alors voir le terrible visage de verdure de Humbaba.
« Quel rêve ! » se dit-il en se réveillant. Et en se passant la main dans les cheveux, il y trouva quelques feuilles et un peu de terre…