L'échappatoire

Sophie Marchand

guetter la petite lumière porteuse de rêve

Enclencher le mode survie, même si le mot « survie » était exagéré, il n'était peut-être pas très loin de la vérité.
Il fallait tenir, traverser la zone de turbulence, de l'autre côté, il y avait forcément le ciel bleu, dégagé, où elle pourrait de nouveau relever la tête, ne plus sentir le poids sur les épaules.

Même si elle savait que ce n'était pas qu'une question de temps car il y avait à FAIRE, à faire sur tous les fronts, parce qu'on l'attendait d'elle, parce qu'elle savait qu'elle était la seule à pouvoir le faire et ça ne l'enchantait pas, la nausée l'envahissait, ça lui demandait un effort de plus en plus considérable au fur et à mesure que la fatigue s'installait mais elle ne pouvait pas faire autrement, elle n'avait pas envie demain de regretter.

Et puis elle guettait le bout du tunnel qui allait forcément arriver, elle le savait d'expérience.
Progressivement, l'étau se relâcherait, en attendant, chercher l'échappatoire, la bouffée d'oxygène comme quand au fond de l'eau, on donne un coup de talon pour remonter tout doucement, chercher la branche où s'accrocher, guetter la petite lumière porteuse de rêve.

Rêver, penser à Mojacar par exemple, oui, se concentrer sur Mojacar pour arrêter l'emballement du cerveau, Mojacar, ce village entre désert, mer et crêtes montagneuses.
Elle avait aimé cette escapade andalouse, voyager seule pour être libre, libre d'être disponible pour toutes ses envies, ne se contraindre en rien.
Manger à n'importe quelle heure par exemple, s'installer dehors dans un lieu ombragé au bord de la plage. Elle ne s'ennuyait pas avec elle-même même si cette pensée lui semblait prétentieuse.
Et puis, il y avait tant à voir, à sentir et ressentir, à écouter, à vivre.
Ce lieu était magique, surtout à la tombée de la nuit, quand elle partait en voiture sur la route à la recherche d'une adresse, un peu comme dans une course au trésor.
Les paysages s'adoucissaient, devenaient bleutés, une beauté à en pleurer.


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