L'écorce tendre

Christian Lemoine

Entrevoir l'anse du calice, l'apex effronté qui dénonce le membre secret caché dans ses replis frôlant l'ombilic ; sur l'éperon des sens furetés dans les interstices soyeux. L'entrevoir encore, la soie transparente de cet écrin subreptice. Encore et encore, s'abreuver à la source des colonnes, qu'elle jaillisse des chapiteaux en sa faconde ingénue, que jamais elle ne tarisse, et y plonger les mains endolories, les yeux blessés par leurs larmes éconduits. La bouche asséchée aux lèvres tuméfiées qui ne demandait rien que s'étancher encore ; le visage entier embaumé à cette eau frondeuse, cette eau avare de ses débordements. Toute la peau baignée, comme le corps souffrant, comme le corps pâtissant, où la moindre souffrance n'est pas d'affrotter sa peau aux épines et aux griffes. Entrevoir de nouveau l'aube des rosaces pour éblouir son chagrin sur l'éclat démesuré des sanctuaires ; là où le charme de l'albâtre – que faiblissent et s'étiolent les marbres funéraires ! – épuise la froideur des offices ; là où, en souverain complice, vient se nicher la fraîcheur de l'oasis, pour mieux s'immiscer dans cette chaleur métisse truffée d'épices décisives. Le récif et la rédemptrice. Goût d'anis, sucre et douceur, mêlé de réglisse et d'âpre volupté, à la fois rêche et caressante, offrant en sacrifice son abandon sans condition. Ainsi, entrer en lice, affûté au tranchant de la lame et s'entrevoir sous les auspices des duels écarquillés dans l'étonnement des querelles absoutes. Or, ce n'est que se résoudre à l'abscisse, gisant confus, comme une jonchée sous ses pieds, désirant du ciel qu'en surgisse l'ombre des délices. Entrevoir, rien qu'entrevoir, pour mieux se noyer sous l'onde des sèves liquoreuses, et se convertir à le tendresse de l'aubier.
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