L'ego cannibale
kacew
L'ego cannibale
Souvent, le je est trop présent, trop bruyant autour de nous pour vraiment apparaître. Toute sa difficulté est d'être, d'arriver à être authentiquement. Le je surgit plus qu'il n'est le départ. Voilà la difficulté: comment et quand surgit-il?
En littérature, la situation première est schizophrénique, littéralement l'esprit coupé en deux. J'écris, ma main est en face de moi qui extériorise les mots que je pense. Mais, cette parole sur le papier, est-elle réellement le prolongement de la pensée? Est-elle moi? Qui se cache derrière ces deux lettes, je?
Et l'univers s'emplit d'un frisson de feuillées. Etonnant rythme de ce vent intérieur qui, parce qu'il est justement intérieur, accède à l'univers.
Saint Augustin dit que Dieu nous parle dans un petit réduit, une chambre au fond de soi. Le je...ce serait drôle que cette parole, en moi mais qui n'est pas moi, soit celle de Dieu. Je me mettrais à boire si tel était le cas.
Je est un autre, dit-on souvent sans comprendre qu'avant tout je n'existe pas. Pourtant, il est partout, ce je. Comment, comment? Le monde est-il insensé pour que je soit tout autour et qu'au centre il n'y ait rien?
Vois cette absence qui se voit, ce manque que l'on sens alors qu'il n'existe pas encore; aucune puissance supérieure ne donnera la réponse, seul ce manque te suit et te hante.
Fantômes de Banco et des Rois, Macbeth ou Hamlet peuvent errer à la recherche du repos ou de la volonté, nous sommes là avec eux sur scène, sentant ce manque et ce temps incomplet. Déjà, nous existe avant le je, prend la chair du monde pour en faire des mondes, mais je échappe encore.
Il faut alors tuer l'autre, divorcer au début de l'Histoire pour qu'elle existe, envoyer le frère au néant, car la vie n'en supporte qu'un. Mais cette vie insupportable rit des rigoles de sang que nous lui offrons, et nos mains sont tachées de ses désirs sans que nous puissions rien dire. Nous faisons ce qu'elle ordonne et préparons le vaste cimetière où je apparaîtra.
Enfin, le voici: c'est un je rayonnant de tous ses meurtres, empli de sa propre cruauté qui se dresse vainqueur face aux autres.
"je est un autre, et tant pis pour le bois qui se trouve violon, et nargue aux inconscients, qui ergotent sur ce qu'ils ignorent tout à fait"
· Il y a presque 14 ans ·J'espère que tu te reconnaîtras dans cette citation de ton autre.
A vous, le voyant, de me dire où se trouvent nos je(ux).
retrogarde
Très beau texte, direct, j'aime beaucoup la description de ce "je", cette "absence" qui serait une explication au pire, heureux est-on lorsque l'on sent la présence, le nous... merci pour ce partage et bravo, belle énergie !
· Il y a presque 14 ans ·Edwige Devillebichot