L'enfant gaucher et l'école

gilles-failleur

La première fêlure : l’enfant gaucher et l’école.

L’institutrice sadique :

La première fêlure fut infligée à Yves dès son entrée à l’école communale par l’institutrice qui, en début d’année du Cours Préparatoire qui s’appelait alors la Onzième, découvrit qu’il était gaucher et entreprit de lui interdire par tous les moyens moraux et physiques de s’adonner à ce qu’elle considérait comme une déviance coupable. Cette matrone tyrannique relativement jeune s’acharna sur Yves à coup de réprimandes répétées et de rétorsions physiques quasi-quotidiennes, alliant gifles et torsions d’oreilles, si bien qu’elle transforma son quotidien d’écolier en calvaire. Chaque journée fut pour lui, ponctué par la honte et l’angoisse de mal faire "exprès", par l’obsession de voir cette diablesse le prendre à parti pour la simple raison qu’il n’était plus capable de suivre la leçon d’écriture, car déjà réduit à l’impuissance et à la paralysie par les assauts antérieurs verbaux et physiques.

 La simple coordination des gestes d’Yves lui échappait lors des exercices d’écriture et son élocution perdait progressivement de sa labilité, ainsi, parler et bouger en classe devenaient de plus en plus laborieux et pénibles. La panique et le trouble profond de comportement allaient parfois chez Yves jusqu’à la perte de contrôle de ses sphincters. Cela se produisit plusieurs fois et donna lieu à l’humiliation suprême pour Yves qui sortait de classe sous les quolibets de cette femme hystérique prenant à témoin les autres élèves rigolards, pour courir aux toilettes tenter de laver, ôter, essuyer les matières fécales nauséabondes qui avaient envahi son intimité. Complètement défait, Yves refaisait une entrée difficile dans la classe et regagnait péniblement sa place sous les lazzis de la maîtresse : _ "Hé bien le revoilà, ce petit malpropre incapable d’écrire comme tout le monde mais surtout incapable de se contrôler. Quel âge as-tu ? On ne t’a pas appris chez toi toutes les bonnes habitudes ? C’est incroyable ça ! Regardez-moi ça ! ". Cette situation d’échec scolaire dura toute une année. Il y avait de l’infanticide inconscient dans l’acharnement de cette femme qui n’aurait jamais du être acceptée comme institutrice, alors qu’il était déjà recommandé par les psychologues et par les corps d’inspection de l’Education Nationale de ne pas contrarier un gaucher.

Je dois vous préciser, honorables lecteurs, que la situation réelle d’Yves fut ignorée par sa famille, car les discussions à table ne prêtaient pas souvent à confidence, dans la mesure où les parents n’avaient pas établi de réelles bases d’échange avec leurs enfants. En dehors des repas, le frère ainé avait la préférence de la mère et elle lui permettait de prendre la parole, opportunité qui était régulièrement déniée à sa sœur et à Yves, de par les occupations exclusives de la mère, lectures et mots croisés. La seule qui l’écouta fut Rose, mais sa mère la dénigrait quand elle tentait de défendre le "Petitou" et lui faire part de ce qu’il lui avait raconté au sujet des persécutions de sa maîtresse. La mère rabrouait sèchement Rose et la renvoyait à sa cuisine avec condescendance.

Souvent, Yves se plaignit de sa situation à l’école à sa sœur et quand il le put à sa mère, mais aucune ne prit au sérieux ses doléances. Au contraire, l’attitude qu’adoptèrent la mère et la sœur fut de se moquer du "Pauvre petit Yves", leurs ricanements et leur surdité manifeste rendirent Yves moins sociable encore et il devint un enfant renfermé, qui restait dans le noir ou dans des recoins de l’appartement à rêver d’une autre famille, à imaginer qu’il avait été adopté ou trouvé.

Une certaine difficulté à parler mais aussi à penser lui venait à la suite des incessantes "attaques" de l’institutrice qui s’acharnait sur lui à l’école. Une certaine angoisse de persécution le poursuivait en dehors de l’école augmentée et alimentée par l’obsession de n’être pas normal, de n’être pas comme les autres, y compris comme sa sœur et son frère. Cette intériorisation du malaise et ses conséquences sur sa personnalité, sur son identité en crise n’étaient pas atténuées par le confort affectif de la famille puisqu’il s’en sentait un peu plus exclu au fil des mois, de par l’attitude générale de sa famille. Pour se protéger au moins superficiellement, il adopta une habitude de fuite et d’évitement qui consistait à prétendre "s’en foutre" de tout et de rien, alors qu’il était clair qu’un rien l’écorchait vif et que sa susceptibilité se développa à cette époque, pour ne plus jamais vraiment le quitter, à cause sans doute de son isolement injuste et prolongé pendant cette période.

Chemin de croix :

La crise s’accentua au cours de l’année, sans qu’il y ait eu de rémission ni d’atténuation de la part de l’institutrice vis-à-vis d’Yves. Les cris et les mauvais traitements continuèrent de plus belle au désespoir d’Yves, qui voyait s’étirer abominablement les journées seulement ponctuées par les interventions insatiables de cette vache qui passait d’un registre strident à celui de la prise à témoin de la classe pour qu’elle constate l’absence d’effort de la part d’Yves à s’appliquer, à suivre ses conseils, à éviter les tâches. Difficile pourtant pour Yves de ne pas faire de tâches avec sa main droite si faillible, si maladroite, un comble pour une main droite, mais la plume du porte-plume tenu à main gauche ne pouvait pas non plus glisser à contresens sur la feuille et elle avait la fâcheuse tendance à griffer le papier en traçant de gauche à droite, comme un soc de charrue, libérant régulièrement de gros paquets d’encre inévitables, situation sans issue. Quand il arrivait à Yves de reprendre le porte-plume avec la main gauche, par inadvertance et parfois par bravade ou dépit, malheur à lui si d’aventure, cette femme furieuse surgissait à l’improviste dans son dos pour l’assaillir brutalement, à coups de gifle et de règle en l’apostrophant : _" Non ce n’est pas vrai, ce vilain gosse a encore repris ses mauvaises habitudes. Quand vas-tu arrêter de me provoquer comme ça ? Quand feras-tu comme tout le monde pour écrire ? Comment faut-il te le dire pour que ça rentre dans ta tête ? ".

Imaginez, lecteurs attentifs, la pression psychologique que cette pseudo-institutrice provoquait chez son souffre-douleur qui ne pouvait pas lui échapper, ni satisfaire à ses caprices si peu pédagogiques ? Car le sentiment de l’injustice dominait par moment chez Yves et effaçait celui de la honte que ce traitement inhumain et quotidien cherchait à installer chez l’enfant maltraité. La mise en situation d’échec par l’imposition brutale et constante de la mauvaise main pour écrire, la manipulation des autres enfants, l’intimidation et le chantage qu’elle maniait à l’envie et si souvent à son égard, tout cela nourrissait en lui le ressentiment, le refus de la situation, l’envie de fuite, mais parfois aussi l’envie de nuire à cette furie.

Mais enfin, chers lecteurs, qu’aurait-il pu faire, comment s’opposer du haut de ses sept ou huit ans à cette adulte déterminée à l’empêcher de suivre son métabolisme naturel en utilisant la main que l’instinct lui dictait ? Comment lutter contre la bêtise d’une adulte en principe chargé d’apprendre, d’éduquer, quand celle-ci se montrait aussi dénuée de compréhension, de tolérance, d’aptitude à remplir ce devoir que visiblement elle était incapable d’assumer ? Comment avait-elle pu passer à travers les filtres de l’institution sans que cette incapacité soit révélée et corrigée sinon sanctionnée ? Comment ses collègues n’avaient-ils pas pris la mesure de cette incapacité et prévenu la hiérarchie, ou l’inspection académique ?

 Pour moi, chers lecteurs, il ne fait aucun doute que cette anti-pédagogue a continué à sévir pendant de nombreuses années encore après le passage d’Yves entre ses griffes. Il est certain que d’autres élèves gauchers ont donc du subir les mêmes humiliations et avanies que lui, ont vu leur gaité sombrer, se sont eux-aussi heurtés à ce "mur", ont connu des difficultés et des souffrances grandissantes et n’ont peut-être pas pu échapper à cette sale engeance, qui a conduit leur scolarité à l’échec, à l’impasse, hors de toute promesse et matérialisation de la promotion sociale qu’attendaient leurs parents. Voila en quoi cette enseignante, sans doute recrutée juste avant-guerre, qui sans doute avait prêté serment au Maréchal Pétain pendant l’Occupation, se trouvait à la croisée des chemins de l’avenir d’Yves et des autres gauchers qui lui sont passés entre les griffes.

Autres victimes :

Il n’y avait pas que les gauchers qui déclenchaient l’ire de cette matrone, car cette école communale située dans un quartier populaire de la ville, accueillait un certain nombre d’enfants d’émigrés notamment espagnols. Ceux-ci étaient pour la plupart des enfants de réfugiés républicains chassés de leur pays par la victoire des fascistes franquistes. Il y avait quelques enfants d’émigrés espagnols dans la classe d’Yves qui se retrouvèrent dans le collimateur de cette enseignante et qui firent les frais comme Yves de son acharnement et de son ironie poisseuse. Elle se moquait d’eux ouvertement prenant les autres élèves de la classe à témoin : _" Non mais regardez-les ces petits espagnols pouilleux avec leurs vêtements qui sentent mauvais, avec leur mauvais français incompréhensible. Ils sont incapables de s’intégrer chez nous, ces "espingouins" ! ". Son racisme anti- émigrés était évident et contraire à l’esprit républicain. Leur situation vécue rapprocha les petits espagnols et Yves, d’autant qu’ils faisaient ensemble le chemin de l’école, ils devinrent ses compagnons d’infortune et ses premiers vrais copains d’enfance.

 Je dois vous dire, inestimables lecteurs que la pédagogie radicalement révolutionnaire de cette enseignante porta ses fruits et au début de l’année scolaire suivante, l’institutrice qui prit sa relève constata très vite les dégâts provoqués chez Yves par sa collègue et elle décida rapidement de convoquer la mère d’Yves pour l’informer des difficultés profondes dans lesquelles se débattait son fils. D’après elle, Yves était devenu gaucher contrarié, il semblait dans l’incapacité d’apprendre à écrire et présentait d’autres symptômes de troubles psycho-cognitifs, notamment dyslexiques. Cette femme consciencieuse convainquit la mère d’Yves et lui conseilla de consulter des spécialistes pour entreprendre une rééducation.

La rééducatrice providentielle :

Il y eut après un repas dominical copieux et bien arrosé, un conseil de famille avec les grands parents et les parents qui se mirent d’accord pour effectivement consulter un spécialiste, à savoir un psychologue scolaire. Rendez-vous fut pris un jeudi après-midi, où Yves rencontra pour la première fois de sa vie un adulte attentif qui le questionna longuement, le fit écrire autant qu’il le pouvait et qui rendit un avis favorable à la rééducation. Ainsi débuta une longue période de tests, d’exercices de rééducation motrice, d’entretiens et de soutien scolaire sous le contrôle d’une orthophoniste compétente, Melle Renard, qui parvint à réduire progressivement le traumatisme, à rééduquer la main, à rétablir la confiance entre l’adulte et l’enfant pour favoriser les mécanismes d’apprentissage de la lecture et de l’écriture. En passant, cette femme remarquable résolut le problème crucial de l’outil scripteur en faisant exclusivement utiliser le stylo bille par Yves, dans sa rééducation, exit la torture du porte-plume gratteur fauteur de taches. Pendant cinq ans, ce suivi salutaire permit à Yves de dépasser le handicap et de combler le retard dans les apprentissages fondamentaux.

Une relation de confiance s’établit avec cette jeune femme d’origine modeste, mais chaleureuse et compréhensive, plus proche et attentive que la mère d’Yves ne le fut jamais à cette période. Elle lui rendit confiance particulièrement en l’incitant à dessiner aussi souvent qu’il le désirait pour introduire des moments ludiques au cours des longues après-midi de jeudi et samedi qu’Yves passait en rééducation.

Imaginez, chers lecteurs que cette femme admirable réussit à réconcilier Yves avec lui-même et à restaurer ses capacités à lire et écrire, elle lui redonna l’envie de lire en l’y aidant par des prêts de livres d’aventures, en dehors des séances de rééducation. Elle sut l’encourager sans le lasser bien qu’il lui fallut beaucoup de temps et d’obstination pour réussir à réécrire. Surtout, cette femme réussit à agir pour l’aider à surmonter ses peurs, ses paniques, ses fuites, toutes ses pauvres manifestations d’angoisse et de défiance, toutes ses habitudes régressives qu’il avait prises pendant l’année précédente, en l’emmenant progressivement à s’ouvrir, à se confier, à se raconter. Enfin, elle réussit à réconcilier Yves avec l’école.

Pour lui, ces séances avec elle n’étaient plus une contrainte aussi pesante que l’école, au contraire, il découvrit qu’il était en attente de ce temps privilégié passé auprès d’une femme amicale et attentionnée. Yves lui garda une reconnaissance éperdue et insista après la fin de la thérapie pour revoir cette femme qui l’avait aidé au-delà de sa mission, en le ramenant de très loin, par son action patiente et sa confiance, sa générosité et l’avait quelque part sauvé de l’obscure situation destructrice que cette autre femme s’était acharnée à provoquer chez lui.

La scolarité d’Yves reprit un cours normal et quelques années plus tard, il entra en classe de sixième au lycée. La normalité de l’institution scolaire fut relative car Yves souffrit d’avoir pour professeur principal, un enseignant de lettres qui avait eu de réels problèmes de discipline avec son frère aîné quelques années auparavant alors que cet enseignant souffrait de problèmes cardiaques qu’il associait précisément à ce frère et à d’autres élèves perturbateurs. Cette personnalité aigrie persista à trouver dans Yves des ressemblances avec son frère qu’il associa au dossier de rééducation d’Yves qui lui avait été communiqué. Il mit en cause d’emblée l’orientation accordée à l’issue de la rééducation et envoya Yves voir le psychologue scolaire du lycée, soi disant pour établir un profil et tester Yves.

Le pseudo psychologue :

Il se trouva que ce psychologue scolaire, monsieur Blanc était en fait un ancien professeur de philosophie dépressif, recyclé en psychologue et que ses compétences semblèrent douteuses d’emblée à Yves, par comparaison avec l’orthophoniste qu’il avait longtemps côtoyée auparavant et avec qui s’était établie une relation très constructive. Dès le premier entretien, le psychologue philosophe n’eut pas de réel entretien avec lui, pas d’échange et il se borna à lui donner à remplir plusieurs batteries de tests qu’Yves connaissait pour les avoir déjà faites. La situation devenait cocasse et monsieur Blanc lui intima l’ordre de tout remplir ainsi : _ "Mon p’tit père, tu as deux heures pour me montrer ce que tu as dans ta caboche, après on verra si on t’envoie en apprentissage ou si tu pourras peut-être rester au lycée ! ". Le psychologue disparut dans son antichambre et Yves remplit rapidement les batteries de tests bien avant que le réveil bruyant n’ait sonné.

Cette tâche achevée, Yves attendit calmement que le réveil sonnât en dessinant sur son cahier de brouillon un superbe porte-avion en pleine mer. Puis il retarda le réveil pour avoir le temps de dessiner des escadrilles d’avions qui décollaient du porte-avion. Il retarda encore le réveil pour avoir le temps de dessiner au premier plan le buste d’un marin portant beau ses décorations puis il le coiffa d’une casquette d’amiral. Il était très tard, la nuit était tombée depuis longtemps et le réveil n’avait toujours pas sonné après avoir été retardé ainsi plusieurs fois.

Ce moment hors du temps fut interrompu par la sonnerie de la porte d’entrée du cabinet du psychologue. Celui-ci émergea tout rouge de son antichambre, traversa le cabinet en regardant d’un œil effaré Yves, les liasses remplies et le dessin qui n’avait pas eu le temps d’être rangé ou dissimulé. Il ouvrit la porte et le père d’Yves apparut. Celui-ci expliqua qu’il était très étonné que son fils ne soit pas encore rentré à la maison et qu’il venait s’enquérir du sort de son enfant. Le psychologue demeura interdit un court instant en regardant vers Yves puis dévida inspiré, la tirade suivante : _ "Monsieur, votre enfant est signalé par son professeur principal et son cas relève de mes compétences. Il m’est indispensable de procéder à des tests approfondis sur ses difficultés scolaires et ses capacités intellectuelles. Ces tests sont nécessaires et il y a la nécessité de prendre le temps nécessaire et d’utiliser les outils adaptés à chaque patient pour établir de façon sereine et scientifique le diagnostic personnalisé. Nous n’en sommes qu’à la première partie, celle des tests. Mais vous n’avez pas à vous inquiéter, tout va bien, vous serez tenus informés des résultats en temps utile".

Le père sembla accepter comme argent comptant cette justification et demanda si l’entretien était terminé et s’il pouvait emmener son fils. Le psychologue vint examiner les liasses de tests et en les feuilletant rapidement, se rendit compte que rien ne manquait, puis il regarda avec perplexité le réveil et après une hésitation affirma l’entretien achevé, demanda un délai pour réaliser l’examen des tests et pour en communiquer les résultats. Il ajouta que, de toutes manières, à la demande du professeur principal, Yves viendrait régulièrement le voir pour un suivi scolaire.

Le voleur de dessins :

Voyez comment, amis lecteurs, avant même l’étude des tests, ces messieurs du lycée avaient décidé du sort d’Yves. Ses parents ne s’y opposèrent pas et Yves continua à perdre ses demi-journées de libre en rendez-vous au cabinet du psychologue, pour parler et reparler de problèmes qui ne résidaient pas tant dans les manques ou les incapacités scolaires d’Yves que dans sa réticence à se raconter à quelqu’un en qui il n’avait pas réellement confiance.

Le psychologue avait pu observer quelques dessins d’Yves qui commençait à l’époque à les rassembler sur des carnets. Un projet avait déjà pris corps à travers le récit illustré dont l’héroïne était une femme pirate, blonde comme Marilyn Monroe, en cuissardes et pantalons rouges, chemise dépoitraillée laissant voir son opulente poitrine barrée d’un baudrier, portant un sabre qu’elle exhibait souvent dans des combats au corps à corps pendant les abordages. Les dessins étaient encrés et coloriés aux crayons aquarelle Caran d’Aches, donnant à l’ensemble des vingt pages déjà réalisées une plasticité vive et haute en couleur.

Un jour, il fut exigé par un mot écrit aux parents d’Yves de confier au psychologue les dessins et carnets pour analyse et étude de cas en vue soit disant d’une publication. Yves ne fut même pas consulté et ne pût donc refuser ce vol quand il vit disparaître son histoire de femme pirate, purement et simplement confisquée pour raison d’étude de cas. Yves ne revit jamais ses dessins et conçut à l’égard du psychologue une rancœur durable et le fit se refermer définitivement comme une huître à son égard. Peu après, il refusa de continuer à aller à ces entretiens. Son cursus scolaire n’en souffrit pas car il avait entre-temps changé de classe et donc de professeur principal. Plusieurs années après avoir quitté le lycée, Yves apprit incidemment que ce psychologue s’était suicidé par pendaison à l’issue d’une longue dépression. Il compatit secrètement, pour avoir senti bien auparavant combien cet homme était fragile sous son air docte et suffisant. Peut-être n’était-il ni philosophe, ni psychologue, mais il fallait bien quelqu’un même incompétent pour s’occuper des élèves à problème ?

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