l'Enfant-Lune
christopher-noodak
Episode. 1
« Si on ne s'estime pas investi d'une mission, exister est difficile ; agir, impossible. »
Emil Michel Cioran
« Les prophéties sont des mots qui donnent des ordres à l'avenir. »
Erri De Luca
A la création du Monde, au commencement de toutes choses, lorsque la terre est surgie du néant, on dit que Dieu façonna le premier homme dans l’argile. Il les installa tous deux, lui et sa femme, dans un paradis perdu depuis. Adam était né, prêt à investir l’Eden d’une descendance à l’image de Dieu. Or, sa compagne ne l’était pas. Lilith voulait enfanter selon son bon vouloir. Son corps tout entier aspirait à vivre et sentir. Tout ; les embruns de l’océan, la brise dans ses cheveux drus et la terre molle et chaude sur ses pieds nus. Alors elle dit non. Non, son ventre ne serait pas un temple. Les anges, le Créateur lui-même, tentèrent bien de lui faire changer d’avis. Sans succès. Dès lors, elle fut chassée du jardin d’Eden. Dieu la maudit. Elle verrait ses enfants mourir, cent pour chaque jour, terrassés par les foudres du ciel et ce jusqu’à la fin des temps. On lui retira son fils premier né. Eve, remplaçante gracieuse et docile, naquit de la côte d’Adam. La suite de l’histoire est connue. Ivre de rage, l’enfant se vengea. Cain tua son demi-frère, Abel, et l’humanité connut son premier crime. Lilith, meurtrie, fut recueillie par un ange, le plus fort de tous, chassé lui aussi de la lumière du soleil. Les hommes, de plus en plus nombreux, oublièrent ainsi leur mère. Quant à lui, l’ange, son souvenir perdure sous d’autres noms, chacun à l’origine de bien des guerres : Šhaytān, Méphistophélès… Mais le seul qu’il accepte, juché sur son trône, dans les ruminations éternelles de son antique colère, est celui qui résonnait bien haut dans les nuées et la gloire des chœurs célestes. On l’appelait Samael.
…
Babylone, sur son piton rocheux, dominait de toute sa hauteur le Royaume de l’Outre-là. Sur l’une des plus hautes tours de la cité, le prince Bélial scrutait la nuit sans ciel de cette immense caverne au centre de la terre. Songeur, il repensait à l’oracle de sa demi-sœur, Laurithia. Le bruit des forges, en contrebas, dans l’abîme lumineux dont les vapeurs dorées remontaient jusqu’aux portes de la ville, rythmait le souffle de ses paroles.
- « Tremble, fils de Lilith, traître en ton giron. Tremblez, cour des anges déchus… Car le Mort-Vivant viendra cherchez l’Enfant-Lune et vous mourrez. Alors notre Seigneur bâtira sur cet enfant et sa mère les fondations d’une nouvelle Eglise… »
Des halètements dans l’escalier en colimaçon renvoyèrent ces mots et leur mystère dans les vents putrides des galeries souterraines de ce monde. Bélial grogna. Il avait horreur d’être dérangé quand cela ne concernait pas les affaires de son père. Et Samael ne lui parlait plus - à plus grand monde d’ailleurs - depuis l’obscure prédiction de Laurithia. «… fils de Lilith, traître en ton giron… ». Un des fils de Satan semblait vouloir sa mort. Mais lequel, sur les milliers de démons des Enfers ? Bélial se posait la même question. Qui d’autre pouvait bien vouloir la même chose que lui ? Qui, parmi ces bâtards, briguait le trône qui lui reviendrait de droit, une fois son père anéanti ? Et qui était cet Enfant-Lune ?
- Monseigneur…
Le dos tourné, les yeux perdus dans l’immensité de la voûte, Bélial hocha la tête.
- Votre sœur…
Le démon se retourna si vite que la camériste ne vit le coup venir qu’une fois soulevée du sol. Les mains du prince s’étaient refermées sur le col de ses maigres habits. Bélial plongea ses yeux fous dans les siens.
- Ne-l’appelle-plus-comme-ça, souffla-t-il entre ses dents.
- Lau… Lau… Laurithia, parvint-elle à articuler.
L’étau des mains du démon se resserra encore. Ses griffes acérées s’enfoncèrent dans la chair tendre du cou de la servante.
- Elle… Les gardes sont morts… Elle…
Elle tenta bien de prononcer encore quelques mots, pas un son ne sortit d’entre ses lèvres bleues. Le souffle coupé, elle hoquetait, ses yeux rouges embués de larmes. Bientôt, elle ne se débattit même plus. Bélial ramena à lui le corps inerte et renifla son visage. Oh bien sûr, elle n’était pas morte ; on ne tue pas facilement une âme. On peut néanmoins lui faire endurer des tourments éternels… Snfff, snfff, snfff... Belial s’approcha encore un peu de ses lèvres pour l’entendre gémir.
- Pitié….
D’un geste le démon la jeta dans l’abîme. La silhouette s’éleva en l’air puis retomba pour disparaître dans la brume orangée des forges abyssales. Bélial se rembrunit. Des mois que Samael avait envoyé ses troupes chercher l’Enfant et sa mère aux quatre coins du monde… Rien. Mais (et il en était sûr) Laurithia savait, au plus profond d’elle-même, où les trouver. La torture n’avait rien donné, cependant le prince ne put réprimer un sourire. Il sentait sa présence, non loin, au dehors. Et elle allait le mener directement à eux… Quelques minutes plus tard les gigantesques portes de Babylone s’ouvrirent. Un petit groupe d’ombres traversa silencieusement le pont reliant la cité démoniaque à la lisière de la forêt de pals bordant l’entrée des Enfers. Sur sa tour, dans la pénombre, Bélial exultait. Son plan avait fonctionné, la chasse allait enfin pouvoir commencer.
I. Les limbes
Quelques rayons de soleil déchiraient la nuit à l’horizon. Une voiture remontait l’autoroute déserte dans les volutes de la brume matinale de ce mois de juin. Dans l’habitacle, l’air semblait alourdi du sommeil des quatre passagers. Au volant, Paul entrouvrit la fenêtre. L’air frais vint lui caresser le visage. A côté de lui, Marah, sa femme, la tête en appui sur la ceinture de sécurité, soufflait doucement entre ses dents. Derrière, les trois enfants, comme surpris par la fatigue, s’étaient affalés, leurs jeux dans les mains. Paul sourit pour lui-même en regardant dans le rétroviseur. Puis ses yeux vinrent se poser sur son propre reflet. Les traits de son visage était tirés, ses joues assombries par la barbe naissante d’une nuit de veille. Il porta une cigarette à ses lèvres et l’alluma. On lui avait dit que la première bouffée, imprégnée des vapeurs du gaz brûlé par le briquet, était toujours la plus nocive ; elle lui parut être la meilleure. Les autres ne furent qu’une tentative désespérée de retrouver la même sensation.
La route défilait toujours, après 1000 kilomètres, inlassablement devant lui. Paul frotta sa nuque engourdie. Les fourmillements dans ses doigts recommencèrent. L’aire de repos ne devait plus être bien loin… Il accéléra. La voiture prit de la vitesse, le moteur grondait. Paul dépassa la limite autorisée, mais qui pouvait bien surveiller ce coin paumé à une heure pareille ? Le cours de la route s’inclina et le conducteur vit apparaître le bâtiment grisâtre dans la descente. Le jour se levait doucement sur un paysage morne et désolé, constitué d’herbes folles et d’édifices industriels dont les fumées tourbillonnaient dans l’air.
La voiture se rangea sur la droite et ralentit. Le parking était pratiquement vide. Personne dehors. Paul releva le frein à main et tapota l’épaule de sa femme. Marah ouvrit les yeux en grommelant dans l’état vaseux du demi-sommeil. Sa peau était pâle, ses cheveux épars et gras. Puis elle se redressa brusquement, comme perdue. Paul secoua les enfants. Il détacha Pierre de son rehausseur et le mit sur pied, sans tendresse. Lucas et Chloé suivirent le mouvement, hagards. Les portes automatiques s’ouvrirent. Marah, suivie des trois enfants à la démarche encore incertaine, pénétra dans l’établissement terne et sans grâce. L’intérieur se divisait en deux : la partie commerciale - épicerie et relais presse - d’un côté, la cafétéria de l’autre. La petite famille prit la direction des toilettes, à l’exception de Paul qui s’avança vers le comptoir de la cafétéria.
- Un café noir, s’il vous plaît.
Le caissier bredouilla quelques mots mais Paul s’estima trop fatigué pour répondre autre chose que merci. Il s’installa sur la première table à sa portée. La radio diffusait dans le réfectoire pratiquement vide un air banal, presque stérile, quelques notes tapées sur un piano. Paul soupira avant de prendre une gorgée de café. La dernière fois qu’il lui semblait avoir entendu un truc pareil c’était dans un funérarium. Plus loin, quelques voyageurs au visage fermé s’étaient regroupés sur une table. Au fond, dans la pénombre d’un recoin du mur, une jeune femme le fixait avec attention. Leurs yeux se croisèrent. Paul sentit une infime contraction quelque part, entre son diaphragme et son ventre. Cette femme dégageait une énergie sexuelle incroyable. Pour tout dire, elle était même carrément bandante. Sa belle chevelure blonde caressait son visage ovale et bien dessiné pour retomber sur ses épaules nues. Elle portait une veste délibérément trop petite qui soulignait aussi bien sa poitrine généreuse et galbée que le creux de ses reins. Sa peau ferme et halée semblait douce et lisse, ses lèvres pleines et…
- Papa, papa ! Regarde !
Le livre que Marah venait d’offrir à Lucas se substitua subitement à la jeune femme. Sur la couverture, un dinosaure dessiné de ¾ jetait à Paul un regard menaçant en découvrant ses larges mâchoires. Marah s’assit en face de lui et souleva à son tour le petit Pierre qui s’échinait à vouloir monter tout seul. Lucas et Chloé se mirent à coté de leur père. Ils avaient faim et réclamaient les viennoiseries que leur mère venait d’acheter.
- Attendez ! Attendez ! dit-elle en sortant des lingettes. Pierre, NON !
- Mais môman, mouououuuû…
Le petit garçon finit par retirer son bras potelé tendu vers le sac en papier gras. Paul ferma les yeux et prit une grande inspiration. Pourquoi parlaient-ils tous si fort, bordel ?! Le petit déjeuner fut pire encore. Le dinosaure revint plusieurs fois s’interposer entre lui et la jeune femme à qui il jetait de fréquents coups d’œil par-dessus l’épaule de Marah. Les enfants, tout à fait réveillés, firent plus de bruit en mangeant qu’ils n’en feraient jamais à l’école. Papa, papa, et celui-là il est bleu. Et celui-là il est méchant, gnia gnia gnia… Sa femme tenta bien de lui parler mais le flot de ses paroles, à la lisière de son champ de conscience, fit à Paul l’effet d’un bourdonnement intempestif dans l’oreille. Le dernier croissant fini, elle était d’aussi mauvaise humeur que lui.
- A ton tour dit-elle. Puis elle sortit en saluant le caissier d’un bref signe de tête.
- A mon tour de quoi ? marmonna-t-il, jusqu’à ce qu’une petite main agrippe un pan de son jean délavé. Chloé se tenait l’entrejambe en piétinant.
Lucas se vit confier la mission d’accompagner sa sœur tandis que Paul hissait le petit Pierre sur la cuvette. Bougon, il pleurnichait en étouffant de gros sanglots ponctués de cris stridents. Paul le maintenait fermement. Il allait pisser ce môme ! Le garçonnet pleurait de plus belle ; son père lui faisait mal. Quelqu’un frappa bientôt à la porte. Un homme, outré de voir qu’il y avait toujours des gosses pour emmerder ceux qui n’en avaient pas. L’irritation de Paul s’accrut, tant et si bien que son fils s’en tira avec une grosse trace rouge sur la joue. La main s’abattit pile au milieu de son petit visage, sur la tache de naissance-un croissant-qu’il avait héritée de son père. Clac ! Naturellement, les hurlements redoublèrent.
Lucas et Chloé les attendaient devant la porte. Sans prononcer un mot quant à l’état de leur petit frère qui reniflait, ils dirent poliment au revoir à la cantonade. Pierre, qui suivait derrière, regardait les conducteurs du réfectoire à la dérobée quand il vit la jeune femme, qui avait changé de place, le fixer avec attention. Le petit garçon sentit un frisson lui parcourir l’échine. Il ressentait un malaise depuis qu’il était arrivé ici. Ses yeux rouges clignèrent, il renifla un grand coup et, comprenant qu’il s’était attardé, courut rejoindre sa famille au dehors. Le jour naissant était d’une blancheur hivernale. Il n’y avait, sur le parking, plus de voitures. Plus aucune.
Paul, interloqué, s’était brusquement arrêté devant l’espace vide où il avait garé son véhicule. Les enfants se tenaient derrière lui, immobiles et silencieux. Leur père semblait plus qu’en colère, il était inquiet. Paul se força à réfléchir. S’était-il trompé de sortie ?… C’était pourtant la bonne. Un 807 ne pouvait pas s’être envolé… Et Marah… Il songea un instant, sans trop y croire, au fait qu’elle ait pu déplacer la voiture de l’autre côté du parking. Une autre hypothèse vit le jour, dans un coin de son esprit pour venir sournoisement le hanter. Et si elle était partie ? Cela ne ferait que confirmer le pressentiment qu’il avait depuis quelques mois. Même si Marah entretenait l’illusion d’un amour sans nuage, rien, pourtant, n’était comme avant… La main dans sa poche coupa court à toute supposition. Le contact froid des clés de la voiture… Déboussolé, Paul somma les enfants de retourner à l’intérieur. Lucas prit Pierre par la main.
Revenir dans le hall leur fit d’abord un drôle d’effet. Tout était sombre, il n’y avait presque plus de lumière, comme si le jour ne passait plus à travers les grandes baies du réfectoire. Tous les trois étaient tendus. Décidément, quelque chose n’allait pas. Chacun l’avait ressenti à sa manière, en arrivant, au cours du repas. Les enfants ont ceci que l’instinct cherche, chez eux, à pallier le manque d’expérience et y arrive parfois tellement bien qu’ils ne souhaitent plus le croire. C’est pourquoi aucun d'eux n’avait parlé de rien. Ni du fait que Papa semblait énervé, regardait plus la Dame que Maman qui elle aussi était en colère. Ni du fait qu’elle était surtout triste, très triste et fatiguée. Il n’y avait plus personne dans le hall, dans l’épicerie. La cafétéria était plongée dans la pénombre. Le caissier bourru, la jeune femme, étaient-ils encore là ? Les murs étaient sales, il semblait au petit Pierre, interdit, qu’ils bougeaient. Lucas demanda–il chuchotait, comme si l’on pouvait les entendre–à Pierre et Chloé de se rapprocher. Ensemble ils seraient plus forts. Pierre serra la main de son grand frère, sa sœur le blottit contre lui. Ainsi rassemblés, pétrifiés, ils ne virent pas les ombres se mouvoir derrière eux.
Lorsque les portes se refermèrent derrière Paul, il fit totalement noir. Mais ce fut l’odeur qui l’inquiéta le plus et le prit à la gorge. Du soufre. Ses sens autres que la vue se mirent en alerte.
- Lucas ! … Chloé ! Pierre ! …
Il tendit l’oreille, prenant garde à ne pas respirer trop bruyamment. Le silence. Paul cherchait son briquet dans ses poches. Un bruit, non loin, comme un froissement, peut-être... Ou quelque chose d’autre. Une reptation. Paul réussit à se convaincre, l’espace d’un instant, que l’idée était absurde et sortit le briquet de sa poche. Il appuya sur le gaz, fit rouler la pierre. Tchac. La lueur vacillante de la flamme partit à l’assaut de l’obscurité… et buta contre une masse informe, juste devant lui. Paul hurla sous la surprise. Son cri se répercuta en un écho interminable. L’homme à quelques centimètres de son visage renifla. Des larmes coulèrent de ses yeux réduits à de petites fentes pour rouler sur ses chairs tuméfiées. Car à l’évidence, cet homme, ou quoi que ce fut (Paul crut, dans les méandres de son horreur, reconnaître le caissier), était mort. Sa peau boursouflée et violette s’ouvrait pour exposer à l’air libre une partie de son crâne. La chose hoquetait, sanglotait, ses mains s’agrippèrent à Paul qui se dégagea d’un geste brusque. Ses yeux se portèrent alors au-delà de l’homme. Quatre silhouettes se dressaient dans les ténèbres. Elles firent un pas, simultanément, et rentrèrent alors dans la maigre lumière de la flamme. Le plus grand des individus s’avança. Paul n’en crut pas ses yeux. Ce n’était pas un homme qu’il avait devant lui mais un être vaguement humanoïde à la peau d'albâtre et sans paupières. L'épiderme craquelait, suintait par endroit, le buste et l'abdomen principalement, pour laisser poindre des plaques de métal épais. Le noir et le blanc, différentes nuances de gris se disputaient ainsi la primeur de son corps biomécanique et distordu. Tout en lui n'était plus que haine et souffrance, un tableau à la gloire de la suprématie du mal. Les autres, dans la pénombre, étaient plus petits, moins effrayants. Quelque chose remua parmi eux, englouti par les ténèbres.
- Paul…, Marah éclata en sanglots.
- Papa…, gémit une petite voix.
Les enfants… Paul sentit une brusque montée d’adrénaline dans tout son corps et sortit de sa torpeur pour constater que le monstre avait dégainé une épée. La lame vibra au-dessus de sa tête, retenue par une force invisible. L'acier sifflait, vomi d'une tête hurlante incrustée de gemmes. Tout alla très vite. Derrière la créature, les ravisseurs se volatilisèrent. Paul entendit un bruit sourd, ne vit qu'un éclair. Sa tête tourna, ses jambes lâchèrent. Il se sentit happé, le choc énorme d'une masse contre un mur avant que le vent ne lui fouette le visage et le ciel blanc ne l'aveugle. Une ombre au-dessus de sa tête le maintenait par les bras. Des ailes en partaient pour fouetter les nuages. Sous les pieds de Paul, les éléments du paysage instable semblaient minuscules. La croûte terrestre elle-même se déformait pour exsuder des vapeurs noires. La Terre changeait. La voix de Paul se perdait dans les rafales. Au loin et dans sa tête résonnait encore le son de l'épée. Puis il n'y eut plus que la mer, les eaux sombres et déchaînées du bout du monde. Les courants se rejoignaient en contrebas pour donner naissance à un maelström surplombé d'un pic rocheux sortant des flots. Paul chuta sur la pierre et roula sur lui-même. Alors il vit ce qui l'avait transporté dans les airs. La jeune femme de la cafétéria, qui n'en était plus une, le regardait de ses yeux rouges. Son buste (comment qualifier autrement un enchevêtrement de morceaux de chair palpitante singeant les courbes d'une femme ?) se soulevait par saccades. Sa voix, glaciale, domina le tumulte.
- Nous devons les rattraper.
Son cœur cognait contre sa poitrine ; il avait mal à la tête, des vertiges comme si son cerveau venait frapper les parois de son crâne. Son estomac se contractait. Il réprima un haut-le-cœur. Se penchant, il vit alors le trou béant qu'il avait dans le ventre. La jeune femme le regardait faire, amusée. Paul laissa échapper un grognement rauque. Elle éclata franchement de rire, un rire inhumain.
– Ça fait toujours ça au début...
– Où ? Où sommes-nous ? balbutia-t-il.
– Dans un état intermédiaire... les limbes. Vous n'avez jamais passé la colline. En un seul morceau je veux dire...
Paul hoqueta. La réalité s'imposait progressivement dans son esprit. Il se prit la tête à deux mains, quand il réalisa qu'il lui manquait une partie du visage. Il revit la route, son pied sur la pédale, l'excès de vitesse alors que la fatigue prenait le dessus.
– Et... Et... Pourquoi ?
– Les envoyés de Bélial...
– Mais... mais... attendez, je...
Elle répondit par un rugissement furieux.
– Ils ne doivent pas lui ramener tes enfants. Ni leur mère.
– Marah, mais... elle...
Un sifflement lointain leur rappela l'épée.
– L'Exécuteur... Bélial lui a donné une des 7 épées... Les seules qui peuvent tuer une âme ajouta-t-elle avec froideur. Il ne voulait décidément pas te rater. Et moi non plus… ajouta-t-elle, songeuse.
Mais Paul ne comprenait plus rien. Laurithia le reprit et se jeta dans le tourbillon d'eau qui les mènerait au centre de la terre, dans la forêt de pals et les forges. Paul hurla. Le sort était jeté. Le Mort-Vivant allait récupérer l'Enfant-Lune et sa mère.
Ep.1 : Bélial songe à la prémonition de sa demi-sœur, Laurithia. Elle parle d'un étrange Enfant-Lune, d'un autre démon qui voudrait lui ravir la place de Satan. Car Bélial entend lui aussi renverser son père. Il fait donc suivre Laurithia pour qu'elle le mène à l'Enfant-Lune.
Paul emmène sa famille en vacance. Il s'arrête sur une aire de repos. Pendant le déjeuner une jeune femme le regarde avec insistance. Sa femme, furieuse, quitte la table, laissant Paul et les enfants finir. Lorsqu'ils sortent il n’y a plus de voitures sur le parking. Surpris, Paul et les enfants retournent à l'intérieur. Des individus les attendent. L'un d'eux, l'Exécuteur, s'avance. Les autres disparaissent en emportant les enfants. La jeune femme du déjeuner s'interpose, se mue en démon, emmène Paul à l'abri. Elle lui explique la prédiction, qu'il s'est endormi au volant et qu'il sont morts. Ils se lancent à la poursuite des ravisseurs.
Ep.2 : Laurithia et Paul doivent traverser, parmi des milliers d’âmes damnées, la forêt de pals qui garde l'entrée des Enfers. L'Exécuteur les rattrape et décapite Laurithia. Paul s'enfuit et se fond dans la foule. Il arrive dans les forges.
Ep.3 : Dans leur cellule, Marah tente de rassurer les enfants. Bélial voudrait s'occuper d'eux mais il doit d’abord s'occuper de Belzébuth, maître des forges, qu'il soupçonne d'être l'usurpateur de la prédiction.
Ep.4 : Les gardes de Bélial, dirigés par l'Exterminateur, arrivent dans les forges. Paul a peur de se faire reconnaître. L'Exécuteur remet un message à Belzébuth. Des ordres de Bélial. Il lui ordonne de trouver Paul qui est sur le point d'être découvert quand quelqu'un le cache à l'écart.
Ep.5 : Bélial passe une alliance avec Belzébuth pour renverser Satan. De son côté la petite famille cherche à s'enfuir. Soudain leur porte s'ouvre. Satan surgit devant eux.
Ep.6 : Paul a été recueilli par une congrégation d'âmes de prêtres fanatiques infiltrés, des espions du ciel. Eux aussi connaissent la prédiction. Ils ont reconnu Paul à sa tache de naissance sur la joue, la même que celle de son fils, en forme de lune. Ils veulent l'aider, le faire monter à Babylone. Ils trouvent des monstres ailés sur leur chemin. Paul et quelques prêtres arrivent à destination.
Ep.7 : Les portes de Babylone sont ouvertes. Dans la salle du trône Satan, entouré de sa cour, attend Paul et les prêtres. Bélial et Belzebuth sont enchaînés. Marah et le petit Pierre sont comme envoûtés.
Ep.8 : Lilith, inutile car Marah, conformément à la prophétie, est amenée à la remplacer, est donnée au Léviathan. Belzébuth aussi. Bélial, Paul, l’aîné et la cadette attendent leur tour. Au même moment, les forces du ciel assaillent les enfers.
Ep.9 : Bataille dantesque entre les deux camps. Paul essaye de mettre sa famille à l'abri. Paul et Bélial se battent. Samael est terrassé.
Ep.10 : L’aîné des enfants s'exprime à la première personne. Son père est mort mais eux sont bien vivants. Ils se sont réveillés à l’hôpital. Paul a sauvé leur âme.