L'enivrant
Jean Patrick Chatel
J'arrive face à ce magnifique édifice qui se dresse devant moi. Il a l'aplomb et la stature d'un monument centenaire qui impose un respect naturel. Ses courbes majestueuses, ses riches ornements intemporels, sa pierre de taille immaculée font de cet immeuble, un vaisseau amiral amarré sur les rives citadines. Je franchis cette porte monumentale où trône un mascaron fascinant qui garde les lieux tel un cerbère. Sa dentelle de fer laisse entrevoir une allée pavée émoussée par le temps et patinée par l'histoire. Je traverse cette voie royale avant d'arriver face à l'escalier. Celui-ci est drapé d'un tapis rouge cardinal longeant la splendide rampe d'escalier en fer forgé.
Enfin j'y suis. J'ai découvert le saint Graal ! J'ouvre la porte massive en bois précieux et là, s'offre à moi, une vision onirique. Le lieu est d'une étincelante luminosité. Le soleil traverse les larges et longilignes fenêtres et se reflète sur un parquet en point de Hongrie révélant toute la blondeur du chêne. L'évolution du temps ne semble pas avoir eu de prise sur ce plancher d'une autre époque. Happé par cette éblouissante lumière, je pénètre dans la pièce principale qui me révèle toutes ses richesses. Tout d'abord, mon regard est irrépressiblement attiré par cette cheminée en marbre blanc de Carrare. Elle orne cette salle magistralement. Le médaillon central de ce modèle Pompadour distribue des lignes fluides et éthérées. L'intérieur émaillé de noir contraste avec la blancheur de l'ensemble et lui confère une étonnante modernité. Au dessus d'elle, un trumeau de couleur claire donne beaucoup de profondeur à cette immense pièce. Sa frise florale d'une élégante simplicité vient caresser la pureté des moulures. Ces différentes lignes sculptées me font virevolter et m'emmènent de part et d'autre du plafond jusqu'à cette imposante rosace, témoin d'un savoir faire ancestral. Après cette étourdissante valse stylistique, j'aperçois une verrière parée d'un métal sombre. Je me rapproche et je découvre un écrin transparent qui se singularise nettement du reste de l'appartement. La cuisine est vêtue d'un noir encre de Chine d'une splendeur absolue. Tous les éléments design de la pièce s'harmonisent parfaitement avec l'ensemble des lieux et lui donnent un cachet tout particulier. J'emprunte une petite porte dérobée qui me conduit directement sur un long couloir qui distribue toutes les chambres. Celles-ci reprennent tous les codes haussmanniens de l'appartement, à ceci près que le gigantisme de la pièce principale laisse ici place à l' ambiance apaisante d'un cocon. En effet, les deux chambres d'une dimension agréable, tout de blanc vêtu, nous donnent à admirer un petit square verdoyant niché au fond d'une impasse oubliée. Je suis là, en plein extase, totalement apaisé. L'espace d'un instant, j' en oublie presque ma présence au sein de cette ville bruyamment bouillonnante.