Roulotte/yourte/grotte?
divina-bonitas
Le logement parfait, c'est celui qui l'est pour ses habitants, sans effet de mode ou stéréotype, un lieu de vie où assouvir des besoins primordiaux: réguler la température corporelle en fonction des saisons, manger, dormir, se laver, avoir de l'intimité, se sentir en sécurité, et des secondaires absolument essentiels: jouer, rire, pleurer, faire la sieste, lire, recevoir des amis, pratiquer son instrument de musique préféré, un hobbie, se cultiver...respectant un troisième critère: l'environnement.
Chacun/chaque famille étant unique/différent(e), on saisit vite en entrant dans une autre maison que la sienne, qu'on ne pourrait pas vivre là parce qu'on ne s'y sent pas chez soi. Beaucoup de choses nous y surprennent, parfois nous dérangent, la décoration, les odeurs, l'agencement...le manque de ceci qui nous semble absolument indispensable et le trop de cela totalement superfétatoire à nos yeux.
Si j'entre dans une maison contemporaine par exemple, à la décoration épurée, aux matériaux froids (béton, fer forgé, inox, métal, verres), avec une grande hauteur sous plafond, des baies vitrées partout, du blanc du sol au plafond, des angles pointus, une cuisine équipée ne témoignant d'aucune préparation culinaire récente, un endroit où ça résonne trop, où tout est trop bien lisse, rangé, où tout semble à sa place, où j'ai l'impression qu'un photographe de magazine déco. se planque dans un placard géant, instinctivement j'entre dans ma coquille, frissonne, observe, inquiète limite paniquée. Je suis dans un endroit hors ma zone de confort que je ne comprends pas, qui ne me procure pas de bonnes émotions. Regardant l'espace salon, je me demande où m'assoir: sous le lustre géant? A côté de la porte-fenêtre? Brrr...Dos à la porte dans le courant d'air? Sous le tableau contemporain aux couleurs dures? Pénible sensation de ne pas avoir de place au sein de cet univers, que ma sensibilité ne peut s'accrocher nulle part dans ce décor "parfait" dont les habitants sont super fiers. Je cherche un recoin, un cocon, une peluche, un coussin poire pour me jeter dedans...Ma nature bohème, fantaisiste, artiste, aimant par dessus tout la différence et l'originalité, l'extraordinaire et la créativité, ce qui vibre doucement et chante de façon inédite, ce qui attire le regard et éveille les sens, se trouve bien démunie devant ce qui m'apparait pour de l'austérité, là où les propriétaires légitimement, y voient de la sérénité, de la clarté et de l'espace, de la modernité, de l'homogénéité et de la commodité.
Eux, s'ils viennent chez moi, vont sans doute être dérangés par notre bazar, les mi-teintes des murs pigmentés, la piscine pas bleue, l'absence de volets et de porte blindée, de garage fermé et de salle à manger, se sentir envahi par les instruments de musique, dérouté par le mélange des styles, les murs pas droits, les revêtements de sol hétérogènes, les marches entre les pièces, le puzzle de 8000 pièces trônant au milieu du salon, l'antique baignoire en fonte à l'émail usagé repeinte en doré comme les radiateurs en fonte, les lustres violets en non-tissé de 2 mètres de diamètre...
D'un autre côté, si j'entre dans un appartement vieillot, il y a des chances que je me sente vite étouffée par les canapés à fleurs, les tapisseries aux motifs énormes, le carrelage marron, la crédence magnifiquement imprimé de champignons, la salle de bain vieux rose, le buffet en chêne massif lourdement vernis, les canevas accrochés aux murs, les bibelots dans les vitrines, les moquettes passées, les dessus de lit à volants, les rideaux nylon...
C'est toute la complexité d'avoir une maison où l'on se sente bien et qui nous ressemble, qui corresponde à notre personnalité, nos aspirations et notre mode de vie.
J'hésite encore...une roulotte peut-être? Une yourte? Une grotte? Une cabane dans les arbres? Peu importe pourvu qu'on y perçoive la vie, les rires des enfants, le sifflement de la cocotte-minute, la joie de ceux qu'on reçoit, qu'on puisse y danser, jouer de la musique, peindre, hurler en cas de besoin, faire des colliers de nouilles les jours de pluie et s'aimer sans conditions.
Comme nous sommes une grande famille, finalement j'ai choisi: mon logement parfait serait une caravane de roulottes reliées par des passerelles de bois et disposées en cercle, pouvant se déplacer lentement le long d'une rivière au gré des saisons, de l'humeur et du vent, grâce à un troupeau d'ânes que j'aurais sauvés de l'abattoir, désespérée à l'idée qu'ils finissent en saucissons.