Lenny

  Banal comme un mort, Lenny hante ma vie et tue mes nuits. Lenny est le fantôme de l'insouciance même, je ne peux le sortir de ma folie. Lenny, Lenny n'est pas qu'un nom qui glisse de mes lèvres, il est un monde. Lenny est le monde dont je veux faire partie, mais Lenny n'est qu'un monde façonné par ma démence.

  Lenny. Pauvre petit oisillon aux plumes monochromes. Si seul. Si seul. Oh mais il est bien entouré, je veux juste le voir seul, le voir attristé. Moi. Piètre papillon aux ailes brûlées. Je tente de m'envoler et de faire bouffer son souvenir par les prédateurs qui salivent de ma vulnérabilité. Lenny est un sort que l'on a jeté à mon égoïsme, Lenny est la personne qui me sourit pour me faire oublier que je le hais !

  Lenny est l'enfant dont j'ai méprisé l'existence, sur qui j'ai craché insultes et venins. Lenny est celui que je n'aimais pas. Aujourd'hui, il me jette un sort, il joue avec ma vie en charmant mes remords. Il est là, le Lenny que j'ai haï. Et pourtant, la malédiction s'abat sur moi.

  Comme un boomerang, il revient, repart, se brise, tombe. Lenny est le vent, Lenny est la mer. Lenny. Celui dont le sourire étouffe mon sommeil. Il se venge, ce Lenny. Il me torture par l'ignorance qu'il a à mon égard, celle qu'il me réclamait des années auparavant, celle qui de sa part, me tue maintenant.

  Je croyais pourtant que je le détestais. Mais ma folie a choisi de l'aimer. Et maintenant je suis douloureusement faible face à lui.