Léo

majorelle


Sur la place des pêchés,
Des émotions s'entremêlent,
J'entends les soupirs possédés,
De ceux qui n'ont jamais sommeil.
J'effleure les pensées,
Fiévreuses, comme ensorcelées,
De démons intérieurs éternels.

En contrebas, comme des murmures,
Les limbes des mortels,
Susurrent et ricanent,
Jugent et condamnent,
S'insurgent et réclament,
Un peu de sensationnel.

Dans la cour de l'immeuble,
Léo et ses potes se rappellent,
Le goût de la souffrance collée à leurs semelles.
Godasses élimées et rire d'amertume,
Plus rien ne semble les ébranler,
Des vrais durs maîtres de leur quartier,
Aussi gangréneux que le mal qui les a frappé.

Quatorze années qu'ils traînent leur rancœur,
Dans les hauts de Marseille,
Ils survolent ce qui les a déchiré,
Planent en silence au dessus de la Cité,
Aucune trace de Merveille.
Léo ne sait pas de quoi demain sera fait,
Couteau planqué, il tourne pour les caïds,
Se fait de l'argent pour consommer.

Alors il sort sa came et la fait tourner,
Seul échappatoire à la morosité,
Une traînée de poudre sur le bitume défoncé,
Et à Léo d'oublier.

Il s'enfonce dans la pénombre,
Deux grammes en apnée,
Il part avec les ombres,
Plus de comptes à régler.

Et Marseille se réveille,
Sur ces corps condamnés,
Sur ces jeunesses violées;
Rien de bien sensationnel,
Triste réalité.

Léo s'est endormi,
Je le cueille dans mes bras.
Lui qui n'avait jamais sommeil,
A fermé les yeux sans le décider,
Un coup de couteau mal placé.

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