L'épreuve de l'agneau, du loup et de l'oiseau...

Caïn Bates

            Il était une fois, deux orphelins qui s'appelaient Victorien et Britannia. Ils étaient nés dan un hameau non loin d'Albion et n'avait jamais connu que la campagne qu'ils avaient toujours habitée. Ils vivaient seuls depuis que leurs parents avaient disparu un froid matin d'Avril, ne laissant plus aucune trace de leurs existence. Victorien avait alors jusqu'ici vécu de rapine et de vol à l'étalage pour que sa petite sœur ne manque jamais ni de vêtements, ni de nourriture. Le gaillard était plutôt costaud pour son âge et avait su faire parler de lui car on craignait désormais un bandit de grand chemin dans les alentours. Brittania, quand à elle, avait difficilement apprit les arts de la couture et de la broderie pour gagner de ci et de là quelques piécettes pour louer un cabanon, plutôt étroit pour eux deux, mais assez confortable pour ne pas s'en plaindre.
               Ils avaient vécus pendant presque 3 ans ainsi jusqu'à ce qu'une lettre leur parviennent un jour. Une écriture fine avait tracée des lettres presque indéchiffrables de couleur violette:

           "Je ne puis vous laisser vivre aussi misérablement tout les deux. Je vous propose donc un petit jeu dont la récompense en cas de réussite vous apportera richesse et confort. En cas d'échec, rien ne vous sera enlevé et je vous offrirais un lot de consolation chacun à votre convenance. Rendez-vous au rocher des tourtereaux à l'aube de la nouvelle lune, je vous y rejoindrais."

          Il y avait ensuite d'autres lignes où des étranges symboles se succédaient et précédaient un sceau qui leur était inconnu.

          N'ayant rien à perdre, ils se rendirent au lieu indiqué légèrement en avance pour repérer les environs et estimer les potentiels dangers en cas d'attaque. Victorien avait trouvé une cachette pour sa cadette d'où elle pourrait l'observer jusqu'à ce qu'il lui donne le feu vert pour sortir. Il attendit donc que le soleil se lève, le poignet se serrant nerveusement sur le manche de sa dague dissimulée. Le soleil était levé quand il se laissa le droit de se détendre et de baisser sa garde, personne n'était venu finalement. Il fit signe à sa sœur de sortir quand un homme à l'allure modeste s'approchait d'eux en carriole.

        "Vous voilà donc mes petits. Veuillez m'excuser pour le retard, ce cheval est assez paresseux ces temps ci. Il montre d'un geste de la tête le canasson qui regardait dans le vague. J'ai reçu une lettre m'ordonnant de venir à votre rencontre, mon rôle est de vous amener tout ce dont vous auriez besoin pour venir à bout du défi que l'on vous a proposé. Ne soyez pas timides, servez-vous."

         Sans un mot, le garçon s'approcha de la charrette en faisant signe à la gamine de rester à l'écart. Elle connaissait la procédure, au moindre mot qui sortirait de sa bouche, elle devrait courir le plus vite possible, faire usage de ses dents et de chaque partie de son faible corps pour venir à bout de ses assaillants. 
        Des tas d'objets jaillirent de sous la toile dressée: des petits sacs tachés, une rapière, un glaive, des draps de fourrure, des vêtements en laine, un pistolet à silex, du linge blanc, des gourdes,... Mais de quel type d'épreuve il s'agissait?!

            "Voici la liste des instructions que l'on m'a demandé de vous lire:

           À compter du zénith, il vous sera accorder 5 jours pour relier ce point de départ à la citadelle située sur les falaises. Vous devrez traverser le bois et en rapporter un présent en gage de votre implication.
          Si vous réussissez, je subviendrais alors personnellement à tout vos besoins jusqu'à la fin de vos jours. Ne baissez pas les bras en cas d'échec, une demeure vous y est assignée en récompense de vos efforts.

-C'est bien trop simple, ce n'est qu'à trois jours de marche d'ici...
-Je n'ai pas fini:

          Choisissez intelligemment les ressources que je met à votre disposition car vous devrez venir à bout de cette épreuve chacun de votre côté.
           Bonne chance."

          Victorien ramassa plusieurs paquets qui contenait de la nourriture et les tendit à sa sœur.

       "Prends les et n'aie pas peur, je chasserais pour me nourrir si il le faut. Sois forte, tu es assez grande pour comprendre le danger, j'ais confiance en toi."

          Sur ces mots, il ramasse un énorme sac crasseux et y fourgue quelques pièges et des bandages, une miche de pain à moitié sèche et des ballots de munitions pour le revolver. Il enfile un holster dans lequel il coince sa dague et le glaive légèrement émoussé avant d'enfin un gilet de peau de mouton.

         "Bri, on se verra très vite, je te le promets. Je pars devant pour t'ouvrir la voie, fais très attention à toi. Je t'aime petite sœur, mère et père seraient fiers de voir ce que tu es devenue."

          En sentant les larmes monter, il se retourne brusquement et se met en marche sans comprendre ce que sa sœur lui murmure. Il dévisage l'homme en passant à côté de lui, et accélère le pas en direction du bois.
         Voyant la petite s'effondrer en larmes, le marchand s'approche lentement et rassemble quelques fournitures pour la jeune fille et les dépose à ces côtés.

         "Tu as bon cœur, tout comme lui. Rien ne pourrait vous arriver, j'en suis convaincu, c'est une simple promenade de santé que vous allez faire. Sèche donc tes larmes et hâte toi d'aller le retrouver."

                                          * * * * *

           Au soir, Brittania était presque parvenue à atteindre les arbres serrés qui gardaient l'entrée du bois. Ne voulant pas s'y aventurer de nuit, elle décide de frapper à la porte d'un berger non loin. Avec un léger dégout, il accepte de l'héberger pour la nuit si elle reste discrète et ne dérange pas son troupeau. La gamine accepte, le visage baissé et part se blottir dans un coin de la bâtisse, sur un amas de paille nauséabond. Les bêtes n'étaient pas nombreuses et, parmi elles, se trouvait un agneau maigre peinant à tenir sur ses pattes frêles. Attristée par ce spectacle, elle sortit une pomme qu'elle tranche et dépose au centre de la pièce avant de regagner sa place. Elle passe alors de longues minutes à se demander si les moutons aiment les pommes, celui-ci à l'air de se le demander aussi mais d'autres bêtes dévorent les tranches avant même qu'il ne les atteignent. Déterminée, elle s'approche du petit être et l'amène avec elle dans le coin, suivie de près par ce qui semble être sa mère. Ils passent la nuit entière, tout les trois, collés l'un à l'autre dans un mince filet d'air. La nuit fût courte mais la gamine décide de partir avant l'aube pour ne pas gêner le berger, dépose un demi de pain sur le pas de sa porte et s'éloigne en jetant un dernier regard vers la bergerie.
         À l'orée du bois jonchait des cadavres de moutons et de petits animaux. Deux des animaux était dépecés avec une extrême précision.

         "C'est Vic, j'en suis sûre. Pauvre agneau et pauvre belette."

          Le bois est encore sombre tandis qu'elle y pénètre, elle ressent une étrange impression, comme si des créatures maléfiques l'observait. Pour se concentrer sur son objectif, elle enfile la capuche de sa cape et avance d'un pas plus pressé, plus insistant. Des grognements résonnent au loin, un coup de feu retentit, puis deux et un hurlement de bête déchire le silence pesant. Les battues sont légions à cette époque de l'année, elle s'estime heureuse de posséder des vêtements aux couleurs criardes, cela minimise les risques d'être confondue avec du gibier. Il lui avait fallu une demi journée pour atteindre une cabane de chasseurs. "Parfait pour reprendre mon souffle et demander ma route" se dit elle.
         Le cabanon était vide, la table renversée et de la nourriture pourrissait sur le sol. Il devait être abandonné depuis un moment. Elle relève la table, approche l'une des chaises adossées au mur et sort quelques rations de sa sacoche, elle pourrait tenir encore 3 jours tout au plus mais la faim la tiraille de plus en plus, elle sait qu'elle doit se rationner.
         Plus aucun bruit dans les environs si ce n'est les petits sons de la nature qui vit à son rythme. "Personne ne viendra, je dois me remettre en route, il suffit de suivre le sentier." Bien qu'elle essayait de se rassurer, elle repensait aux histoires narrant l'existence d'une bête sanguinaire au cœur des arbres. D'aucun ne savait si ce n'était qu'un loup, un monstre sortit des enfers ou juste une divagation de soiffard mais cela suffisait à la faire frissonner. Des loups, elle en avait déjà vu, son frère était comme eux. "Il n'y a que les gens coupables qui craignent les loups. Après tout, ce ne sont que de gros chiens sauvages qui doivent survivre, il n'y a pas de mal à ça". Bien que ses pensées semblaient sincères, elle redoutait tout de même de croiser une meute enragée, courir ne lui serait d'aucune aide.
          La nuit commençait à tomber, on pouvait apercevoir le ciel rosé entre les derniers arbres au loin, plus que quelques centaines de mètres et elle était sortie de ce labyrinthe de bois. Elle entendit des brindilles craquer sous ses pieds et se mit à courir de toutes ses jambes, la surprise guidait sa fuite. Elle y était parvenue, elle était saine et sauve. Elle se laissa tomber de soulagement et s'endormit sans s'en rendre compte dans un fossé herbeux. Son frère lui rendit visite en rêve ce soir là, il ressemblait à un guerrier intrépide prêt à braver tout les dangers pour la retrouver. Dans sa main gauche, il tenait la bride d'un étalon qu'il venait lui offrir en guise de retrouvailles. Britannia voulu le prendre dans ses bras mais elle se réveilla, seule. Les larmes se mirent à couler timidement sur ses joues, la tristesse la fît s'endormir en quelques minutes.

            
                                    * * * * *

        À son réveil, elle fut surprise d'être emmitouflée dans des couvertures. Le lit dans lequel elle était couchée était confortable et la pièce, même plongée dans l'obscurité, semblait être bien rangée. Elle tenta de se lever pour fuir, de peur d'avoir été enlevée mais le craquement du parquet la fit se recoucher, elle avait attirer quelqu'un. Elle se retourna et fit mine de dormir en tenant dans sa manche le poignard que le marchand lui avait laissé pour qu'elle se défende. Une main se posa sur son épaule, elle avait d'abord voulu frapper sans réfléchir mais se ravisa en sentant la bienveillance dans ce geste amical. elle se retourna, tout en continuant son jeu de petite endormie et se retrouva face au visage d'une dame au visage creusé par les années. Sa voix était douce, bien qu'elle ne l'écoutait pas, et renforcer plus encore cette impression de gentillesse. La vieille dame lui avait apporté de quoi se nourrir, c'est vrai qu'elle n'avait pas pris de repas depuis presque trois jours, les gens de passages se faisait rare avec la réputation des coupe-jarrets. Elle se mit à manger timidement plus par méfiance que par respect, le piège était encore envisageable.
          Pendant qu'elle déjeunait, la femme lui expliqua qu'elle et son mari l'avait trouvée gisante dans un fossé en pleine nuit. Par souci de précaution, il l'avait amenée chez eux pour lui éviter un sort funeste car beaucoup de dangers guettent une jeune fille endormie en pleine campagne, non loin du bois. Elle jura même avoir aperçue des yeux brillaient entre les arbres. Bri la remercia et proposa de l'aider à faire les corvées de la journée, il lui restait encore trois jours et demi pour arriver à destination et cela n'avait pas l'air bien loin. Les tâches ne prirent que quelques heures et partagea ses fruits avec le couple en guise de remerciement. Le vieillard la prit sur son chariot pour l'aider à progresser plus vite dans son périple.
            En route, elle remarqua une immense peau de loup au crocs supérieurs encore fixés à la tête. Le vieillard lui expliqua qu'il vendait quelques fournitures en échange de pièces ou de nourriture pour pouvoir vivre. Cette peau lui avait été fournie par un jeune homme au visage et aux habits couverts de sang qui passait par là en échange d'un service: trouver une petite fille qui errerait près du bois et de lui assurer qu'il prendrait soin d'elle. Il lui avait aussi raconter que cette peau lui avait permis de franchir le bois sans encombre, les animaux se prosternant devant le cadavre de leur grand seigneur, la bête qui rôdait la nuit. Britannia fronça les sourcils, il n'avait pas l'air si coriace pour une légende, est ce que ça valait bien la peine de le tuer?! Certes, à la vue des entailles il semblait avoir récupéré sa viande mais il y avait des proies plus facile et plus approprié pour un seul homme. Au moins, son frère était en vie, cela la rassurait grandement. Elle descendit devant un panneau au croisement de deux chemins, la direction de la citadelle lui était enfin indiquée. Elle salua le vieil, le remerciant une dernière fois et se mit en quête d'un abri pour la nuit. C'est au pied d'un arbre qu'elle dressa un campement, luttant contre des branchages pour allumer un feu et y cuire un peu de viande de lapin. La nuit était douce, se feu crépitait tendrement et le sommeil vint progressivement sous le ballet des étoiles.

                                    * * * * *

           Les kilomètres se succédaient et la gamine ne voyait pas le bout du voyage, pendant toute une journée, elle semblait tourner en rond, hésitant à rebrousser chemin, étudiant les paysages qui l'entourait. Il n'y avait pas une âme qui vive dans les environs à part les quelques lièvres et mulots qui fuyaient à l'approche de ses pas lourds. Son instinct lui dictait de marcher vers l'horizon bleuté, la mer était au delà des falaises donc ça ne pouvait être que le bon chemin. Il lui restait moins de deux jours, elle virevoltait entre la peur d'arriver trop tard et la certitude de s'épuiser pour rien car elle était si près du but. Vic devait déjà être arrivé depuis plusieurs jours. Elle s'assit un instant pour souffler, croqua dans une miche de pain dur pour reprendre des forces, se laissa tomber en arrière d'épuisement.            Le ciel était si paisible, si calme. Elle aurait tout donné pour être un oiseau, au diable les cages trop petites et les routes bien trop longues, elle aurait pu voir ses destinations au loin et y parvenir en quelques battement d'ailes, au diable la faim car quelques graines ou des miettes lui aurait suffit. Et puis, leurs sifflotements sont si enchanteurs, elle se surpris à siffler avec l'un d'eux. C'était comme une discussion qu'ils avaient entamée, comme une chanson qui n'était connue seulement qu'eux deux.
       En se redressant, elle vit les remparts de la citadelle s'élever devant elle. Comment n'avait elle pas su les voir juste avant?! Elle bondit et couru de toutes ses forces pour dévaler la colline, elle y était enfin arriver, seule. Elle avait été capable de survivre sans qu'il ne lui arrive de malheur, sans violence, sans haine. Le bonheur habitait son sourire, la misère était loin derrière elle désormais, elle allait retrouvait son frère qu'elle aimait tant, ils pourraient enfin vivre sans se soucier du lendemain. Elle progressait toujours plus rapidement jusqu'à... jusqu'à ce qu'elle trébuche sur un obstacle en ferraille, une cage qui abritait un oiseau. Le choc l'avait renversé et l'oisillon se cogna contre les barreaux de sa prison qui s'était pliés sous le coup. Il était mal en point, Bri se mit à éclater en sanglot quand elle s'en aperçut.

       "Et bien, tu as abimé ton cadeau, j'espère que tu es fière de toi."

           Elle leva les yeux vers le visage de l'homme qui lui faisait face.

       "Grand... Grand frère?! Pourquoi?!
-Je sais que tu aimes les oiseaux et j'ai trouvé celui-ci au marché, je pensais que tu serais heureuse de lui rendre sa liberté.
-Mais... Oui, oui, ça me ferait plaisir...

-Trop tard."

           D'un violent coup de talon, Victorien broya la cage et son prisonnier.

          "On m'avait dit que tu serais trop faible pour arriver jusqu'ici, J'ai tout fait pour t'aider mais tu es toujours cette petite chialeuse en fin de compte. Toujours collée à mes basques, incapable de t'en sortir toute seule."

         Elle n'arrivait pas à croire ce qui était en train de se passer, jamais son ainé ne lui aurait parlé comme ça, pas son protecteur.

       "Tu sais qui est notre bienfaiteur?! Moi... La banale histoire du grand frère immonde et de sa petite sœur naïve. L'épreuve du loup face à l'agneau, de l'oiseau trop lâche pour intervenir. Le problème, c'est que je t'aime, vraiment. Je ne peux pas vivre en te sachant en danger et, vu que tu ne changes pas..."

       Il sort le revolver de sa ceinture et la braque sur la gamine.

       "Adieu ma puce, je t'aime".

       Tétanisée, elle ne peut plus quitter le regard de son frère, elle est condamnée à se voir mourir dans un océan de larmes amères. Victorien glisse lentement son index sur la gâchette tandis que Britannia se mordille la lèvre pour ne pas crier, l'index presse sur le morceau de métal mais... rien ne se passe. 

         "Tu le savais, avoue. Allez, viens dans mes bras, tu as passé le test avec brio. Je suis maintenant sûr que rien ne pourra jamais t'atteindre. Tu es la plus belle et la plus pure des créatures que ce monde est porté, tu mériterais même que cette île porte un jour ton nom."

 

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