Les Adresses à vivre 4

fragon

Adresse n° 3 ça se poursuit

En vérité, puisqu'il faut dire les choses comme elles se construisent, cette adresse est l'adresse la plus compliquée à imaginer. Une architecture savamment orchestrée sur un monceau de contes mensongers. L'édifice est fragile, les apparences trompeuses. Une allumette et tout s'effondre. Sur les tables de chevets, on pose de petits objets. Un coffre à bijoux garni de velours noir et qui contient pour l'époque deux montres hors de prix. La première est d'or, la seconde d'argent. Je récupère le tout des années plus tard sans savoir ce que je pourrais bien en faire.

Le dimanche, nous avons l'autorisation d'ouvrir le précieux coffret. A côté des deux montres, trois pierres très grosses et très bleues attendent on ne sait quelle fortune pour être serties et arborées au grand jour. C'est une joie d'entrer ici. Elle, à gauche, savamment décoiffée. Lui, à droite, torse nu et la montre posée sur la table de nuit. On ne fume pas dans cette chambre. On s'y glisse, on s'immisce. Parfois, on apporte le petit-déjeuner sur un plateau. Auparavant, on aura glissé au four une paire de croissants dont la pâte a été enroulée de force dans un rouleau de carton. Il nous faut être adroites pour en dérouler par torsion le cartonnage de façon régulière. Nous savons qu'à la moindre erreur, une bulle de pâte percera de façon anarchique la fine ouverture et qu'il nous sera impossible de détacher les croissants selon les pointillés. On se retrouve avec une pâte dont les triangles sont devenus des arrondis informes. Parfois, ça fonctionne. Ce sont les bons jours. Je suis la moins sage, toujours à rire et à faire le clown. Je m'imagine diva, cantatrice, enfant précoce maîtrisant son art. Alors à l'instant où je lève la main pour frapper à la porte, je me mets à chanter à tue-tête la publicité des fameux croissants congelés. Le plateau se déséquilibre d'un seul mouvement. Je me tends pour rattraper ce qui peut l'être. Les croissants giclent et les bols atterrissent sur la moquette. Ils sautent sur leurs pieds et dans les grognements d'usage me grondent avec douceur tout en ramassant ce qui peut être sauvé. On refait du café et on se contente du pain de la veille qu'on aura fait griller.

Sur la commode de la chambre principale, on a déposé un jouet particulier qui ne nous est pas destiné. C'est un petit âne en bois articulé et lissé comme du velours. Il nous faut glisser le pouce sous la base et enfoncer légèrement une rondelle de feutrine pour voir les pattes se plier et la bête paisible pencher la tête sur le côté. Un petit coup de pouce de plus et le voilà qui se met à danser la gigue. Les élastiques se tendent. L'âne se contorsionne. On rit beaucoup. On le convoite. On ne nous laisse pas le temps de le casser.

Plus loin, très loin, même pour nous qui sommes encore petites, le même âne est déposé sur une autre commode, dans une autre chambre. Il nous dira plus que c'était plus facile pour lui de faire ainsi des cadeaux identiques. Ça lui permet d'éviter les impairs. Joli jeu d'échecs.

  • Les mots se suivent avec adresse mais j'avoue ne pas comprendre où cela veut en venir ... Cela dit, pour moi il est déjà tard :o)))

    · Il y a environ 5 ans ·
    Gaston

    daniel-m

    • C'est le format qui veut ça.. on ne peut pas écrire "long" et montrer la trame en 400 mots/ texte :)

      · Il y a environ 5 ans ·
      Maternit  orig

      fragon

Signaler ce texte