Les animaux dénaturés*

Hervé Lénervé

L’homme est massivement présent sur Terre et je m’en étonne encore.

Normalement les nouveaux nés animaux appellent leurs parents par des signes qui encouragent ceux-ci à leur donner à manger, à les protéger. Chez le nourrisson humain, il n'en est rien ! Le bébé a mal au ventre, il braille ! Il a faim, il braille ! Il n'a rien, il braille ! Le bébé braille à longueur de temps. Il crie, il pleure à tort et travers à vous déchirer les tympans, le cerveau et votre patience. Ce processus de demande de soins est inapproprié. Dans le règne sauvage les parents, lions, éléphants, colibris auraient dévoré, écrasé, poinçonné leurs progénitures, si elles avaient braillé autant. Comment les parents humains ont pu avoir la sérénité de ne pas en faire autant avec tous leurs descendants, l'espèce se serait éteinte par manque de tranquillité et la Nature aurait pu poursuivre paisiblement son temps accordé au temps naturel.

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*Titre du livre de Vercors, ces animaux dénaturés étant les êtres humains, bien sûr ! Pour ceux qui ne l'auraient pas lu, je suis sympa, je leurs fais une fiche de lecture accélérée.

Vercors se pose des questions sur la condition humaine, il en a le droit, s'il le veut, le bougre ! Quelles sont les considérations juridiques qui définissent l'humanité. La question ne s'est jamais posée, car notre différence avec le règne animal est trop importante.  Il introduit, alors, une espèce intermédiaire, les tropis, entre les grands singes et les êtres humains, ce fameux chaînon manquant. Les tropis ont des croyances animistes, signes d'une représentation mentale des causalités de leur environnement et premier signe d'une éclosion à la pensée conceptuelle, pour certains philosophes du moins. Quel avenir aura cette nouvelle espèce, esclaves serviles des hommes ou une certaine reconnaissance de leur humanité naissante ?

Pour mettre la Société devant l'obligation de définir des statuts propres à l'humain, il la met devant le fait accompli. Son héros féconde artificiellement, (quand même, hé oui, les femelles tropis sont plus proches de la guenon que d'Angélina Jolie quand elle l'était)… féconde artificiellement donc, une guenon  et obtient un nouveau-né, métissé homme-tropis. Puis il le tue, hop là, et déclare sa mort et son crime. A la Justice de trancher, s'il doit être poursuivi pour assassinat ou pour, à minima, maltraitance animale ! 

S'il gagne la cause pour laquelle il se bat, il ira tout droit en prison sans toucher les 1000 € de la case départ, S'il est acquitté, les tropis seront condamnés à l'exploitation et à la soumission par les Sociétés humaines.

Bref, s'il veut sauver l'espèce, il doit se perdre. Je ne raconte pas la fin, car, peut-être, aurai-je suscité un intérêt à lire ou relire ce livre.

Si, si, lisez-le, il est très bien, ce bouquin-là, on nage en pleine eaux troubles philosophiques. Et Vercors écrit vraiment très beaucoup bien mieux qu'ici. Allons, Hervé pas de fausse modestie, elle sonne faux !

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