Les anneaux

Camille Agard

Moi, je construis des anneaux pour proposer aux autres un monde normal.

Je vous parle au singulier, pourtant un anneau semble constamment au pluriel. Comme si sa puissance résonnait déjà dans son unité. Les dictionnaires parleront de l'anneau comme d'un cercle de matière dure, auquel on attache quelque chose. Il y a en tous points de cette définition des mots qui sonnent fort. Il y a de l'auréole, derrière l'anneau. Et finalement quand on le met vraiment au pluriel, l'anneau, il devient une chaîne. Une chaîne d'or pour la richesse du corps, une chaîne d'acier pour les protections du monde.

 

         Faîtes confiance aux anneaux. Ils unissent des vies pour le meilleur et pour le pire. Ils maintiennent les rideaux. Ils retiennent les bateaux. Ils résistent pour nous;

Faîtes confiance aux anneaux parce qu'ils savent mieux que nous endurer les flux difficiles. Ils ne cèderont que pour les tours de magies. Ils ont tellement fait le tour d'eux-mêmes qu'ils se connaissent trop bien pour faiblir. Ils ont repoussé à leur périmètre ce qui ne tournait pas rond, et le vide a pris leur ventre.

Maintenant, faîtes confiance aux anneaux.

 

Vous y verrez un père qui vous promet des futurs évidents. Une mère qui pose sur la table un Paris-Brest. La gymnaste à qui rien n'arrive quand les cerceaux aléatoires se promènent sur son corps fluo. Les gamins transparents qui soufflent encore dedans pour les bulles.

Moi, je construis des anneaux pour proposer aux autres un monde normal, qui tient ses promesses et qui vous caresse l'esprit. J'y suspends des cactus, j'y pose des culbutos qui s'équilibrent un peu. Je les collecte et les empile dans un verre, comme les fous qui aiment les pièces en cuivre. De temps en temps, je les éparpille pour me rappeler de chacun d'eux, puis je les range à nouveau, sans pinces et sans gants. Et toujours, mes yeux balaient les trottoirs, parce que sans le savoir, les hommes en oublient quelques fois.

 

 

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