Les bonbons
aile68
Bien entendu je ne suis pas allée au rendez-vous dans le parc. Cette après-midi là j'ai dû garder mon petit-frère qui le matin même s'était sauvé jusqu'à la colline. On a étendu la couverture sur le sol et nous avons fait des jeux et même une cabane. Comme on s'est bien amusé! Ma petite soeur était avec nous aussi, elle nous a bien fait rigolé en imitant la patapouf de Véronique. Ce n'était pas très gentil mais nous n'étions que des enfants, et nous étions parfois cruels entre enfants de la grande place et de la placette. Le lendemain mes amies sont venues pour fêter mes huit ans, j'étais une redoublante, ça me donnait une certaine importance, comme une envie de dominer mon monde. Mais je n'étais qu'une imbécile.
A l'heure où j'écris je me dis que les bonbons ont façonné les premières années de ma vie comme les chansons des chanteurs à la mode que nous apprenions avec la ferveur de petites fans inconscientes. Corinne, Stéphanie et les autres ennemies de la grande place on a appris à les connaître, on s'est retrouvé un jour par hasard en discothèque, La colline, on ne savait quelle attitude adopter, nous avions l'âge de la liberté paraît-il, dix-huit c'était sacré, peut-être plus que les bonbons de notre enfance. Corinne, la cheffe, et moi-même on s'est toisée du regard on aurait dit Clint Eastwood avec son poncho dans le désert. Jamais nos vies n'avaient été des déserts, toujours elles ont été peuplées de bêtises et d'attaques et de contre attaques cinglantes, à dix-huit ans on avait envie d'autres choses, c'était l'heure de la paix. On a fêté ça autour d'un cocktail multicolore avec une paille et une ombrelle sinon ça valait pas le coup. Véronique avait toujours ses rondeurs, je ne suis pas devenue copine avec elle à cause de son côté bête et méchant. J'avais été méchante moi aussi jusqu'à mes treize ans, et puis un jour un baiser sur la bouche, mon premier baiser m'a clouée sur place comme ôtant en moi toute la bêtise qui m'habitait. ça n'a pas été un baiser réparateur car il révéla en moi toute la faiblesse et la vulnérabilité de l'adolescence. J'ai essayé mille bonbons et vitamines pour revenir à moi, j'ai pris du poids, heureusement mes copines me soutenaient.
J'ai fait de la danse, du chant dans ma salle de bain avec la brosse ça va de soi, la musique rythmait mes journées. Et puis un jour, et encore un autre jour, on sent quelque chose en soi, on a envie d'ouvrir un livre, et puis un autre, les mots nous façonnent, c'est mieux que les bonbons, enfin c'est différent. Toute la saveur d'un bouquin en été nous accompagne, au-dessus de mon livre je lève les yeux et je regarde les gens autour de moi. Petits, grands, moyens, blonds, bruns, châtains, tous en maillots de bain, ce costume que je redoutais tant jusqu'à ce que je me fiche de mes rondeurs.
FIN
Cette nouvelle est un mix de souvenirs et de choses inventées, de choses qui ont pu se passer pour d'autres enfants. J'ai écrit au gré de ma mémoire et de mon imagination. Toutes deux ont le parfum de l'enfance et des années qui s'écoulent après jusqu'à atteindre une certaine sagesse. Merci pour tes lectures.
· Il y a plus de 2 ans ·aile68
Les bonbons, les dents s'en souviennent, le premier baiser c'est plus grave, un joli paquet de souvenirs aile!
· Il y a plus de 2 ans ·Christophe Hulé