Les cactus de San Francisco.(1)

effect

Extrait de : "On se faisait du pied sous la table avant de faire par dessus, l'amour sur la nappe. On tartinait de miel nos sentiments et de beurre nos envies."

A San Francisco, il y avait Jacques qui avait sa clinique dentaire d'été. J'accompagnais Betty une fois par an pour son blanchiment et son détartrage: elle paraissait plus jeune et en meilleure santé à chacune de ses prestations. Dans les baies vitrées des magasins de Nob hill et sur les miroirs des bars lounges de Marina District, elle se souriait par ravissement en ne cessant de le tarir d'éloges:

- Putain il a bien bossé ! Quand je souris, on me donne dix ans de moins... tu trouves pas mon chéri ?

- Fais voir, ouvre grand !

Dans la bouche de Betty, c'était tout au fond rose pimpant comme un bonbon acidulé, et blanc devant comme des dragées neuves. On aurait pu en tapisser la chambre d'une jeune fille tellement ça faisait frais et moderne à la fois.

- Putain ouais c'est chouette ! Il est bon ce con !

J'appelais Jacques 'ce con' parce qu'à part polir des dents et injecter du jus de cochenille dans la gueule de ses patientes pour revivifier les tissus ternes, il participait à sa façon, à la disparition des cactus, comme les abeilles le sont avec le miel, puisqu'il y en a moins aussi ! (Les cochenilles sucent la sève des plantes sur les parties aériennes et les tues. En contrepartie, écrasées, elle fabriquent un rouge digne d'un rouge de garance, garance qui servait à teinter en 14-18, képis et pantalons de la Grande Guerre).

- Tu vas pas comparer une abeille à un cactus ! Et puis ça sert à rien un cactus, et en plus ça pique les fesses !

- Et les abeilles ?

- Ben si tu les embêtent pas, elles piquent pas les abeilles !

- Les cactus non plus !

- Oh tu fais chier, t'as toujours des comparaisons à la con !

...


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