Les conditionnements 1

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Les conditionnements familiaux n'avaient plus lieu.

A cette époque, on encourageant les couples à se reproduire. Un, deux, trois enfants avait été la norme. On passait à 6, voire 8 enfants par couple.

Les couples stériles étaient rejetés. Les homosexuels, transgenres n'avaient le droit de vivre que la nuit. Les célibataires erraient dans les rues, hagards, se cherchant désespérément une situation. Ces "signes distinctifs" étaient la seule et ultime "honte" et réelle discrimination comme le "monde d'avant" avait pu en connaître (être meilleur, moins bon, jaune, noir, blanc, vert ou rouge peu importait aujourd'hui).

Les sociétés du Continent-Monde avaient ben rôdé les rouages d'une machinerie infernale qu'elles contrôlaient de A à Z.

Les parents avaient la charge d'élever les enfants jusqu'à leurs 4 ans. Ils percevaient jeux, lait, jouets, nourriture, vêtements, matériel de puériculture gracieusement  à leur domicile, sous forme de "Kid-Box". Une "Kid-Box" par enfant, jusqu'au 4ème anniversaire.

En scannant les QR Codes et les codes-barres de chaque objet de la "Kid-Box", les entreprises du Continent-Monde savaient exactement : les heures de coucher du petit Grégoire, le jeu favoris de la petite Miranda, si le petit-pot numéro 6 dégusté par Joshua et Li l'avaient bien été au diner du jeudi comme convenu dans le programme nutritionnel de leur "Kid-Box".

Si les parents dérogeaient à l'une des activités du programme ou oubliaient de scanner un code avec leur SWARTY (le smartphone muni d'une puce spéciale de traçabilité qui envoyait toutes les activités en temps réel, grâce à la multitude d'objets connectés dont était muni chaque ménage), ils recevaient une notification pour les rappeler à l'ordre.

Obnubilés par les grossesses et les langes, les parents étaient - en dehors des périodes de reproduction - happés, vissés à leurs SWARTY. Dans un fleuve d'informations continues d'une "gluanteur" (ressentez-vous l'aspect "gluant" et la "puanteur" de cette mare infecte ?) incroyable, ils devaient déverser au moins une fois par semaine la photo de leur progéniture.

Les scans faciaux permettaient de recroiser les informations sanitaires grâce aux SpeedData Centers. On reconnaissait Bachir : avait-il eu de la fièvre ? On retrouvait Leila : avait-elle comblé ses carences en magnésium ? Aucun couple ne manquait de quoi que ce soit, mais il fallait quand même effectuer un check-up régulier des bambins pour être sûrs qu'ils pourraient être l'élite de demain.

Inspiré par les théories historiques qui valurent la mort à de nombreux terriens, et souhaitant avant tout promouvoir une forme d'innovation tout en restant dans un schéma archaïque : les hommes travaillaient et les femmes éduquaient les 4, 5, 6, 8 marmots, avec l'aide de la MULTECRAN.

La MULTECRAN diffusait à longueur de temps des "programmes télévisés 100% individualisés" aux enfants. Amandine regardait l'équitation, connaissait petit à petit tout du cheval. Cette télévision sensorielle la plongeait en immersion et elle pouvait sentir l'odeur du canasson, tapoter sa croupe etc. Rosy pouvait avoir accès à une série de dessins animés super violents, Kévin à un reportage subjectif sur Mars, le nouvel Eldorado où les stars de la téléréalité flirtaient avec les magnas du Continent-Monde.

Et puis, après une prise en charge assidue de la part des couples, les enfants, le lendemain de leur 4ème anniversaire, étaient emmenés "on ne sait où"....

Pour limiter l'arrachement et le nombre de suicides dû au départ d'un petit (suicides qui avaient grimpé en flèche dès les premiers mois de la mise en place de ce "Passage en RECO (pour Retour en Etat Cérébral Optimisé)"), les entreprises souveraines du Continent-Monde avaient purement et simplement interdit le suicide. Comment ? En exterminant les biens et les familles auxquels les couples étaient historiquement liés. Le principe : "tu te tues, alors tu tues ta famille, tu tues tes 500 SWARTY-friends". Par exemple, si Paula et Gilbert se suicidaient, leur SWARTY-friends étaient exterminés dans la minute.

Pression terrible, équilibre insoutenable et pourtant, le spectre de cette menace fonctionnait ! Seuls les irresponsables désespérés se prêtaient au jeu et leur réputation était salie post-mortem.

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