Les démons de la mémoire 1 et 2

Violette Ruer

1

          Les lignes se chevauchaient, la vue se brouillait, la neige tombaient sur le pare-brise et lui donnait une sensation d’étouffement. Régis décida de s’arrêter à la prochaine aire de l’autoroute.

          Que faisait-il là ? Pourquoi avoir tout quitté si brusquement ?  Il avait de multiples raisons mais une, essentielle : il n’en pouvait plus. Depuis des mois son ménage périclitait. Tous ses amis le considéraient comme un pleutre, le plaignaient et ne comprenaient pas pourquoi il restait impassible chez lui alors que sa femme Mylène l’humiliait en se promenant partout, la main dans la main, avec son « ami » Didier. Mais personne ne connaissait les véritables circonstances de son ménage infernal. Ce cirque avec l’amant durait depuis plus d’un an. Il espérait que madame se lasserait, que les enfants seraient un avantage, qu’elle ne se sentirait plus concernée par cette minable aventure, mais non…Croire qu’elle pourrait se raviser était une erreur…. Il lui aurait bâti un palais si elle était revenue vers lui… Bien sûr sa bonne volonté était tardive, il avait en partie créé cette situation mais ne pouvait-elle lui donner une deuxième chance ? Quinze ans de mariage mis aux oubliettes ! Ressentait-il de la colère ? Même pas, du moins, plus depuis…

          Il frissonna au souvenir des derniers évènements. Soudain plus rien, un bruit de vitre cassée, des douleurs sur tout le corps et un grand trou noir. Monsieur m’entendez-vous ? Une lueur blanche, des voix en sourdine et le bruit d’un moteur. De magnifiques yeux bleus fixaient Régis. Il ne parvenait pas à soulever totalement ses paupières. Une voix douce : Monsieur ne bougez-pas, nous vous emmenons à l’hôpital de Nancy.  Il ne chercha pas à comprendre et se laissa retomber dans son état cotonneux. En pompier expérimenté il savait qu’il ne fallait pas bouger…

----------

2

          Aie ! oh la la ma tête ! Une foule d’onomatopées sortait de la bouche de Régis sans qu’il ne puisse se souvenir du pourquoi de sa présence sur ce lit d’hôpital. Le médecin lui expliqua que ses blessures à la tête et au torse résultaient d’une agression et d’un tabassage en règle par une bande d’adolescents qui n’avaient pas eu le temps de le dépouiller grâce à une jeune femme courageuse qui s’était lancée avec sa voiture sur le groupe et les avait tous fait fuir. Quel climat de violence au sein de cette jeunesse aux actions malpropres !

          Régis pensa : Mon esprit est aussi engourdi qu’au moment de ma crise de surmenage aigue. La douleur ne se réveillait que lorsqu’il bougeait la tête et le haut du corps. Avait-il quelque chose de cassé ? Pas vraiment, les côtes flottantes fêlées sans plus, donc pas de lésion aux poumons. Pourquoi avait-il alors tant de mal à respirer normalement ? Les muscles du torse étaient traumatisés par des ecchymoses diverses.

          Deux heures plus tard se présentait le commissaire Tonio Perlicchi assez énervé par une semaine riche en évènements désastreux :

-        Désolé monsieur Wagner, je suis messager de mauvaise nouvelles, je suis obligé de vous interroger malgré votre état…

 

          Wagner ? Régis ne se souvenait pas de son nom ! Le commissaire plissa le front à cette phrase… Etait-il vraiment amnésique ? Il demanda au médecin qui confirma qu’un grand trou noir, passager ou non, pouvait être possible. Les coups furent lourdement assénés. Cela ne faisait pas l’affaire de Perlicchi. Il continua donc :

 

-        Monsieur Wagner j’ai le pénible devoir de vous annoncer le décès de votre épouse… Les circonstances de sa mort sont étranges…. Nous l’avons retrouvée, attachée, à une poutre de votre salon à l’aide d’un gréement dormant selon le légiste… Enfin un gros câble d’acier… Il fallait une grande force pour ce faire…. Pourriez-vous me dire où vous étiez hier soir ?

 

          De quoi parlait ce flic ! Ma femme ! Mais quelle femme ? Et quand aurait eut lieu ce drame ? Des tremblements convulsifs secouèrent le corps de Régis si bien que le médecin dut intervenir et demander au commissaire de quitter la chambre. Mauvaise politique d’approche, le patient pouvait sombrer plus profondément dans l’amnésie avec un tel traitement ?

          Perlicchi s’en moquait pour l’instant, il avait un crime odieux à résoudre et le principal suspect s’enfuyait en empruntant l’autoroute vers Paris ! Etrange destin qui avait arrêté la course du mari sur une aire de repos !

Signaler ce texte