Les deux mondes - chapitre 2
oreline
Cateline
Mon souvenir le plus ancien doit remonter à mes trois ans. Je me souviens d’endroits sombres, humides, étriqués et de cette sensation d’angoisse et d’oppression. Il m’arrive encore parfois de rêver du dortoir dans lequel je dormais. Une immense pièce obscure, où étaient disposés une trentaine de lits étroits et des armoires qui laissaient à votre linge et vos uniformes une odeur de moisie. Seules deux ampoules de faible lueur pendaient misérablement à leur fil. J’avais le deuxième lit près de la seule lucarne de la pièce. J’aimais de temps à autre y jeter un œil lorsque personne ne me surveillait. J’y apercevais un grand parc, souvent plongé dans une brume épaisse et étouffante. Quelquefois, des hommes en noirs perçaient ce brouillard et me laissaient glacés. A cette époque, je ne savais pas qui j’étais, d’où je venais. Je savais seulement où j’étais : dans la grande école du Mal. Là d’où venaient les plus puissants et maléfiques individus que notre monde portait. Hitler et Ben Laden y ont fait des études remarquables. Le plus grand d’entre eux est sans nul doute notre Directeur d’Ecole : Mashfer. Il est la seule personne de Marcia à ne pas exister sur Terre. Il est donc éveillé jour et nuit sur Marcia, ce qui lui permet de travailler à pleins temps sur ses sinistres projets. Par le biais de ses plus fidèles disciples, il apprend tout ce qui se passe sur Terre. Il se comparait souvent à un Dieu qui envoie ses disciples sur Terre pour répandre le mal. Je ne l’ai rencontré qu’une seule et unique fois mais je m’en rappellerai toujours. J’avais alors cinq ans. J’étais en cours de persuasion, un cours qui consistait à utiliser tous les éléments en notre possession pour convaincre ses pairs. Cette capacité était primordiale pour tout être puissant. Hitler que ce soit sur Marcia ou sur Terre l’avait bien compris et avait su aisément utiliser ce pouvoir. Au grand bonheur de Mashfer qui s’était, m’a-t-on raconté, délecté des événements qui avaient eu lieu pendant la seconde guerre mondiale. « Quel merveilleux élève ai-je là, disait-il de celui-ci ». Malheureusement, ce pouvoir est davantage enseigné pour faire le mal que pour faire le bien. Moi, je n’étais pas mauvaise. En règle générale, j’étais plutôt bonne élève. Mais ce jour-là, j’étais fiévreuse et souffrante. Mes essais furent catastrophiques et mon professeur, après m’avoir giflée pour mon incapacité, m’envoya dans une des caves prévues à cet effet. Je n’étais pas la seule. Les enfants geignaient et pleuraient dans les geôles adjacentes. Moi, j’étais plutôt en colère. Je tapais les murs en hurlant. Une idée me vint alors. J’appelai un des gardiens et fis semblant de m’évanouir devant lui. Il ouvrit ma geôle et n’eut pas le temps de s’accroupir que je me transformai en un joli aigle et m’envolai au-delà de cette cage. C’est l’un des mes plus grands pouvoirs. D’autres se transforment en loup, en tigre, en ours, moi j’ai la chance d’être un oiseau. Pour me récupérer, on employa plus la moitié du personnel, et on me récupéra, me tordant les ailes sans aucune pitié. Je revins à moi dans une nouvelle geôle, de nouveau en petite fille, affublée d’une immense chemise de nuit blanche. Ce fut dans cet accoutrement que je fus présentée à Mashfer. Un homme grand et imposant, vêtu tout de noir. Il semblait âgé d’une quarantaine d’années, mais ce n’était qu’une illusion. Je savais qu’il avait le pouvoir de ralentir son vieillissement. Ces longs cheveux noirs étaient attachés, laissant montrer un front blanc et dégagé. Sa bouche était fine mais sa voix cassante et implacable. Et son regard vous pétrifiait. Des yeux noirs avec une lueur à l’intérieur qui semblait vous disséquer. Je regardai mes pieds nus en tentant d’éviter le tremblement de mes jambes. J’avais froid et je mourrais de trouille. J’étais dans son bureau. Les murs en pierres étaient exempts de toute fioriture. La pièce n’était agrémentée que d’un bureau et d’un placard. Sur le bureau, des piles de feuilles dont l’équilibre semblait précaire. Le placard, quant à lui, vomissait ses entrailles, empêchant la fermeture de ses portes. Le gardien qui m’avait emmené jusqu’ici m’avait laissé seul avec Mashfer. On m’avait raconté maintes et maintes histoires terrifiantes à son égard et il était difficile pour moi en cet instant de les mettre de côté. La plus marquante était l’histoire de ce petit garçon qui avait tellement agacé le Directeur que celui-ci lui avait écrasé le crâne à l’aide d’une seule main. Mashfer s’approcha de moi, ses chaussures claquant sur le sol en pierre, résonnant dans la vaste pièce. Il s’éclaircit la gorge et sa voix se mit à retentir. Je pourrais presque vous réciter mot pour mot le monologue qu’il me débita, tant tout cela me marqua.
« Cateline, je savais qu’un jour, nous nous rencontrerions. Vous êtes l’une de mes plus brillantes élèves. Vous irez loin, très loin. J’imagine même qu’un jour, vous serez mon bras droit. Une jeune personne avec autant talent sera forcément près de moi. Nous accomplirons de grandes choses, j’en suis persuadé. Pourtant, aujourd’hui vous avez été décevante, et ce, par deux fois. D’une part, en étant médiocre à l’école, et d’autre part en vous échappant de votre geôle où on enferme tous les mauvais élèves. Vous mériteriez la mort. Mais je suis indulgent, car il s’agit de vous. Votre pouvoir de persuasion m’impressionne, vu votre jeune âge, votre pouvoir de métamorphose est excellent et vous vous battez au corps à corps plutôt bien. Il ne vous manque qu’une chose : le pouvoir de survoyance, mais on ne peut pas tout demander… Quoi qu’il en soit, je vous donne une seconde chance, mais ce sera la dernière. Je préfère un élève doué mort plutôt qu’indiscipliné, est-ce bien clair ? »
Je me souviens avoir répondu d’un faible oui et je suis partie. Cela reste mon plus terrifiant souvenir.
Nos cours commençaient à neuf heures et se terminaient à dix-sept heures. Nous avions deux heures qui étaient ensuite consacrées à nos devoirs et autres exercices. Cela était peut-être moins rigoureux lorsque j’avais trois, quatre ans, mais je ne me souviens plus. Les cours étaient composés de différentes disciplines comme les cours de métamorphose (seulement pour ceux qui avaient ce pouvoir), les cours de persuasion, pour tout le monde, les cours de discipline, les cours de combats, les cours d’assurance de soi, les cours de l’Histoire du Mal et j’en passe. Le midi et le soir, nous avions droit à une soupe flanquée de quelques croûtons de pains et d’un fruit. Il arrivait parfois qu’une barre de chocolat fasse son apparition à côté de notre pitance. Mais, on ne peut pas vraiment dire qu’on se soit un jour régalé.
Entre élèves, nous parlions peu, car nous étions vite réprimandés par les surveillants. Pourtant, il me reste quelques rares souvenirs de sourires échangés, de confidences et autres petites choses que je garde comme des trésors. Mais mes meilleurs souvenirs étaient le samedi et dimanche matin, lorsque les surveillants étaient moins nombreux. J’avais un ami, Yohann, qui me rejoignait discrètement dans mon dortoir aux alentours de six heures du matin. Il se faufilait discrètement jusqu’à mon lit et passait sous les couvertures. Sous le couvert de la couette, nous discutions durant deux heures de tout et de rien. Mais surtout, il me racontait pleins d’histoires magiques, des contes et des légendes. Combien de fois me suis-je imaginée être avec lui au milieu des pirates, ou dans une cabane en bois sur une île déserte ou encore dans un bar crasseux au milieu de brigands ? Avec Yohann, je voyageais, oubliant pendant un instant notre condition et nos malheurs. Quand nous nous croisions dans un couloir ou au réfectoire, il me souriait ou me donnait un croûton de pain. Il était pour moi ma planche, ma bouée qui me permettait de ne pas sombrer. Quand je pense à lui aujourd’hui, j’en ai les larmes aux yeux car je n’ai pas réussi à le sauver. A l’heure où je parle, je pense malheureusement pouvoir dire que lui et tous mes autres camarades sont soit morts soit de dangereux êtres maléfiques, car ils n’ont pas eu la chance, comme moi, d’avoir été enlevée quelques années plus tôt des griffes de Mashfer.
Par la suite, j’ai su que j’étais entrée dans cette institution juste après ma naissance et n’en suis ressortie qu’à l’âge de six ans. Même si cela reste une époque cauchemardesque, j’avais gagné quelque chose qu’aucun membre de ma famille et mon entourage ne possédait : de grands pouvoirs et leur maîtrise. Malgré le fait que je n’y sois resté que six ans, au lieu de vingt pour tout être maléfique, j’étais puissante et pouvais me battre à armes égales avec des individus malfaisants. Ce qui faisait de moi la proie la plus captivante de Masfer. Et le fait que j’étais la fille de la Reine Cate DiLoren n’arrangeait rien…
Tout à fait d'accord avec Léo, on est en plein dedans, je vais de ce pas lire la suite...
· Il y a environ 14 ans ·denis-saint-jean
Merci pour ton appréciation et je compatis à notre douleur de voyageur.
· Il y a environ 14 ans ·Je suis sur un nouvel écrit que je vais tâcher d'accoucher avant de revenir te lire et découvrir cette suite qui je l'avoue m'intrigue depuis mes lectures, à plus tard.
leo
Me voilà donc comblé, j'ai bien fait de continuer, on entre bien plus dans le quotidien, les sentiments des personnages et donc dans leur psychologie qui les rendent attachant !!!
· Il y a environ 14 ans ·Il me faudra donc revenir sur Marcia...
leo
bon debut
· Il y a plus de 14 ans ·Remi Campana