Les deux soeurs (fin)

aile68

Les fêtes étaient finies, il a fallu retourner à l'école. Catherine était toujours délicieuse avec ses parents, Carole, depuis la conversation avec sa grand-mère soupçonnait encore plus sa mère de préférer la cadette. Elle avait décidé d'être un peu gentille, un peu aimable, mais elle n'y arrivait pas, quelque chose la bloquait. Ce n'était pas dans son caractère d'être douce, cependant ça la faisait souffrir. Sa mère quant à elle, avec toute la volonté du monde avait essayé de puiser en elle un peu d'affection, c'était sa fille aussi après tout. Résultat des courses, elles souffraient toutes les deux d'une situation qui leur semblait inextricables. La grand-mère a proposé à sa fille de jouer avec Carole, de passer plus de temps avec elle, mais elles étaient l'une et l'autre sur leur garde, le courant passait difficilement. Un soir, la petite fille a surpris sa mère en train de pleurer dans sa chambre dans les bras de son père, elle l'entendait se plaindre au sujet de Carole, elle n'y arrivait pas avec cette dernière, celle-ci, elle ignore pourquoi,  a ressenti de la joie, ce n'était pas une joie mauvaise, cela dit, elle était contente que sa mère pleure, mystère et boule de gomme, ça allait rester des années dans sa tête jusqu'à ce qu'elle comprenne pourquoi.

Catherine et Carole grandissaient, toujours aussi différentes l'une de l'autre, Catherine avait la grâce d'une jolie princesse tandis que Carole avec ses yeux d'un bleu perçant, avait l'air d'un félin qui guette sa proie. Quand elle regardait les gens, ceux-ci étaient subjugués par son regard, elle était belle, elle était fière, plus qu'elle ne prenait les gens de haut. A treize ans, elle a giflé un jeune garçon qui faisait son intéressant, il voulait sortir avec elle, tournait autour d'elle avec son VTT, la sifflait comme une midinette. Carole était de la race des seigneurs, sous ses airs durs, métalliques, elle en souffrait. Elle aurait voulu être plus comme sa soeur Catherine, qui elle de son côté, se montrait aimable et polie, trop peut-être, avec tout le monde. Elle avait grandi en ayant pour sa soeur une certaine admiration car jamais elle ne l'avait vue pleurer. Si elles ne s'aimaient guère petites, avec le temps, elles ont appris à se compléter, et même à devenir complices. Elles allaient au cinéma ensemble en cachette de leurs parents qui travaillaient tous les deux, Catherine d'un naturel plus confiant, a même pris l'habitude de se confier à sa grande soeur. Leurs parents étaient contents de voir que les deux jeunes filles avaient enfin des relations normales. A table elles avaient l'air plus serein, même Carole malgré son regard de félin, était plus tranquille, plus à l'aise. Ceci a aidé sa mère à l'accepter telle qu'elle était, elle avait fait l'erreur de vouloir la changer, elle, la psychologue. Un dimanche, à la fête des mères, les filles avaient 18 et 21 ans, elle s'est foulée bêtement la cheville au jeu des chaises musicales. Quand elle est rentrée de l'hôpital, la cheville dans le plâtre, Carole s'est approchée de sa mère en souriant timidement, et avec un feutre elle a écrit son prénom qu'elle a entouré d'un coeur. Catherine a fait la même chose. Ces deux inscriptions affectueuses, elle les porte encore dans son coeur.

Carole et Catherine sont mères à leur tour. La première a eu une petite fille, Laura, la deuxième un petit garçon, Alex. Ils sont comme deux frères et soeurs, Laura a la douceur de Catherine, Alex les yeux perçants de sa tante Carole. Il remarque tout, relève tout. Laura elle, amadoue tout le monde avec son naturel doux et serein. La nouvelle génération est en route avec d'autres frères et soeurs à venir avec son insouciance et son lot de soucis d'enfant, de jeux, de caprices et de dessins avec des coeurs. Un jour Carole a confié à Catherine pourquoi elle a souri quand elle avait entendu leur mère pleurait dans les bras de leur père: elle a compris que ces pleurs étaient une marque d'amour. Leur chère mère pleurait de ne pouvoir se rapprocher de la petite fille aux yeux si perçants et beaux comme les siens. Elle la négligeait parce que Carole était comme  sa mère quand elle était petite, altière et dure. Celle-ci  n'avait jamais aimé la petite fille qu'elle avait été, elle, la psychologue, la mère, la femme, a fait un rejet par rapport à Carole, l'a refoulée pour découvrir qu'elle l'aimait ensuite.

  • "elle avait entendu leur mère "pleurer" dans les bras de leur père" :o) Joli texte qui pourrait être biographique, mais peu importe, à chacun de se faire son chemin dans la vie et d'y trouver son compte :o)

    · Il y a presque 4 ans ·
    Gaston

    daniel-m

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