Les installateurs.

effect

Avec du couci-couça et un peu de jugeote on arrivait à s'en débarrasser. Avec un mètre on mesurait la différence.

« T'aimes bien ? »

« Pour mettre où ? »

« Je sais pas ! Dans la cuisine peut-être ? »

« C'est trop moche ! Et puis dans la cuisine y a assez de merdes ! Avec toutes tes casseroles et tes spatules qui pendouillent, on va finir par croire qu'on n'a pas assez d'argent pour des placards ! »

« Pourtant, chez les plus grands cuistots de la planète, c'est comme çà, ça pendouille de partout ! Avoue que c'est pratique ! On a tout sous les yeux ! Pas la peine de se tordre un bras dans un meuble d'angle, pour aller chercher sur un plateau trois-quarts tournant une pelle à tarte usée, coincée derrière un torchon qui colle ! »

Betty ne cuisine pas. Elle préfère planter des trucs dans les murs, à la manière de ces artistes qui installent leurs œuvres avec des milliers de petits trous pour faire valoir leurs idées. Parfois il m'arrive de penser que si Betty tricotait pour la pêche, il y aurait plus de mailles que de filet, tellement les siens sont espacés.

Samedi dernier, Bertrand est venu nous rendre visite. Bertrand travaille sur des algorithmes qui servent a deviner combien il faut d'avions pour faire une guerre sans la perdre, ou combien de morceaux de sucre sont nécessaire à l'élaboration d'une confiture à la cerise comme d'une à la rhubarbe, avec pour objectif une quantité égale de fruits pour chaque. Bertrand simule tout ça sur ses ordinateurs, envoie ses copies cryptées dans des bureaux ultra-confidentiels où des secrétaires ultra-sensuelles font mines de ne rien comprendre pour toucher leurs salaires et transmettre les PDF.

« Enfin Bertrand ! Tu vas pas m'dire ! Pour la confiture tout le monde le sait, c'est marqué sur les pots ! »

Betty a cet humour qui coupe en deux la poire. Elle me fait penser à ce personnage qui dans ce Buster Keaton court les yeux bandés sur une route immense et où sur laquelle apparaît en amont du travelling un trou énorme, laissant entrevoir sa chute imminente, alors que le spectateur, lui, s'excuse presque d'en rire, puisque le protagoniste le contourne.

« Alors ? On le met où ce cheval ? »

...

Dessin: Claude Weisbuch
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