Les jours d'après

sadnezz

Etre celui qui reste. Auprès de celui qui n'a pas voulu rester.

C'est le bonheur, de continuer à désirer ce que l'on possède. Peut-être que tu ne m'as plus trouvé heureux. Peut-être que je ne l'ai plus été. Mais ta sentence est cruelle, et plus brutale que toutes les colères que mes mains ont posées sur toi. L'art de vivre n'est-il pas un subtil échange entre lâcher prise et tenir bon? As tu cru parfois que l'un l'emportait sur l'autre dans mes gestes? Je ne sais pas comment je prendrai l'idée du tien lorsque tu seras partie ou revenue , ta sanction ultime, à moi l'enfant que personne n'a jamais puni. J'ai le sentiment de toucher du doigt la démence, partagé entre l'hystérie et la sclérose, ne sachant plus de quel bord je suis lorsque tu navigues entre deux eaux. Stupéfié. Stupéfait. Contrefait. Tu as anémié mes journées.

Le plus cynique dans cette histoire, c'est que je ne sais si j'ai encore la force de t'en vouloir de ce que tu as fait à ton être. Même depuis de l'irrévérencieuse lettre. La douloureuse. La pénible. Piquante. Lancinante. Poignante. Térébrante. Cuisante. Intolérable. Désagréable. Celle qui à la lecture de ses quelques mots m'a fait me sentir misérable. Celle où je n'existe pas. Et ne semble jamais avoir existé. Celle qui ne m'était pas adressée. La bonne n'est pas si bonne, tout comptes faits... A m'apporter la corde qu'il me manquait.

Tu aurais pu choisir plus noble qu'un adieu à un tavernier. A un de ceux qui ne t'ont jamais cherchée, puisque tu t'en allais le retrouver. Quand ta Paris te prenais. Un de ceux qui ne se sont jamais étranglé de jalousie pour toi, même pour des prétextes qui n'existaient pas. Un qui n'a jamais eu à t'écouter crier la douleur d'une nuit ou tu donnais la vie. Un qui n'a jamais connu ton regard et ses questions muettes, ton rire et sa rareté parfaite. Tes cicatrices. Une lettre à Eldrick. Où tu t'excuses du spectacle, comme on s'excuse d'avance pour la boutade. Où tu t'inquiète de son pardon, pondérée, avant remerciements. Le plus indigeste vient après le "Du reste..." , où toute ma vie semble avoir été reléguée. " Faites-en ce que vous voulez. Cela n'a plus d'importance. Je pars avec le sourire." Ainsi tu es devenue juge, juré et bourreau.

Et j'ai perdu le mien- de sourire- et puis le fil du temps à trop penser, à trop prier, le jour et la nuit se sont mêlés dans ma tête semant une confusion opaque dans mes conclusions. Je sais que tu es là. C'est tout ce qui m'importe. Je ne sais plus à quoi je me raccroche, je ne sais plus ce que je te reproche. Je fais un syndrome post tr'homme.

Mes réveils entrecoupés de somnolence sont des terreurs diurnes. Plus je te regarde, et plus je perds mes certitudes. Tu es belle ce matin, ou ce soir. Ton visage alimente mes silences les plus prolixes. Je t'observe sans te voir, je suis recru de converser à un reflet. Je vois tes bleus qui me fixent. Ce bleu immense de gris qui semble envelopper ma vie. Je ne réalise que tard ce qu'il dissipe. Lorsque ma pupille devient aussi mince qu'une griffure, et que mes noirs se reconnectent enfin à l'Azur, comme si le voile ténu d'une longue et profonde nuit venait de se lever. Et alors mes lèvres asséchées s'entrouvrent. Et je sens comme la crue, le sang me pulser dans la tête, abreuvant les synapses qui refusaient s'animer. La ronde des sens. Mes yeux se mouillent, ma gorge se dénoue de retrouver son air. Ma poitrine expulse un dernier renâclement.

Dieu que tu as du prendre des détours ... Avant de choisir ta route pour me re... Pour revenir.

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