Les lacets rouges

caza

Que se serait-il passé s'ils avaient été d'une autre couleur ?

« Et vous, vous vous êtes rencontrés comment…. ? » 

Qui ne l'a pas entendu cette question ! Tôt ou tard, dans tous les cercles d'amis, après l'habituel « tu fais quoi dans la vie ? » cette question est posée dès lors qu'on s'affiche en couple.

Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise façon de trouver son alter ego, mais tout le monde se souvient des circonstances qui ont entouré cette rencontre, celle qui allait bouleverser la suite de sa vie.

Lou et Baptiste se sont rencontrés lors d'un stage de spécialisation photo pour devenir animateurs de colonie de vacances, il avait 21 ans, elle tout juste 19.

Le point commun entre ces deux-là : une paire de lacets rouges sur des Stan Smith blanches, comme quoi, Cupidon a parfois de drôles de raccourcis….

Lou fait de la modern'jazz dans une école à Paris, montée par une célébrité de la chanson ; pas qu'elle en soit particulièrement fan, mais les profs qui y officient sont d'un bon niveau et c'est surtout ça qui lui plait.

Elle est tout le temps en Stan Smith, plus pratique avec la moto, et a trouvé une petite paire de chaussures en cuir blanc, avec des lacets rouges, pour le cours de danse, souples et plates comme elle les souhaitait ; sauf que sa prof est intransigeante : les lacets rouges, non.

Alors, elle perd du temps à intervertir les lacets de ses baskets avec ceux de ses chaussons de danse, à l'aller et au sortir du cours.

Un soir, exténuée, elle a laissé ses lacets rouges sur les Stan et le lendemain, au lycée, devant les réflexions que cela a suscité, elle les a gardés.

Baptiste, lui, a tout simplement cassé ses lacets et les a remplacés avec ce qu'il a trouvé, des lacets rouges, et comme l'ensemble lui plaisait, il les a gardés.

Pourtant, à la descente du train qui les amène tous les deux de Paris à Chartres pour cette formation, c'est ça qui va les faire se rencontrer.

On est en février, pendant les vacances scolaires, et il fait plutôt bon pour une fois. Au sortir du train, Lou se dirige vers l'entrée de la gare, point de rencontre pour rallier le château de Brou.

Tout un groupe s'est déjà formé et en les rejoignant, elle regarde ses pieds. Et là, dans son champ de vision, elle voit apparaître une paire de Stan blanches avec des lacets rouges.

Étonnée, elle remonte les yeux le long des jambes jusqu'à découvrir le visage de Baptiste, qui la regarde, avec un petit sourire en coin, il a remarqué la même chose qu'elle.

La camionnette qui vient les récupérer les interrompt et une première fournée prend place à bord, Baptiste est parmi ceux là.

En partant, il fait un petit signe de la main auquel Lou répond, instinctivement, avant de se dire qu'il ne lui était peut-être pas destiné.

Après la présentation du déroulement du stage sur une semaine, il est décidé que les stagiaires se répartissent en deux groupes : Baptiste rejoint celui qui étudiera le tirage papier et les retouches, et Lou planchera sur les diapositives.

Le thème est tout trouvé, une fête foraine s'est installée en ville, les stagiaires vont la couvrir et rapporter tout le matériel nécessaire à l'enseignement de la prise de vue, du développement et de la mise en valeur des photos et diapos.

Tous s'égayent dans la foule, appareils photos en bandoulière, espérant remplir leur mission correctement.

Vers la fin de la journée, Baptiste, qui guettait le bon moment pour l'aborder, propose son aide à Lou qu'il voit aux prises avec son appareil photo rétif et ils rentrent ensemble jusqu'au château, dont il lui conte l'histoire en chemin.

Le château de Brou, est un vrai château, avec des tours et de gros murs en pierre le long desquels courre du lierre grimpant, et des cheminées immenses.

Le lendemain matin, lorsqu'elle descend prendre le petit déjeuner, Baptiste est près de la cheminée, il a déniché un trépied et fait griller du pain au-dessus des braises qu'il a préparées ; nonchalamment, il lui tend une tartine qu'elle accepte dans un sourire.

Le travail en groupe réserve des surprises à Lou dont l'appareil s'est enrayé, aucune photo n'est exploitable, le rideau ne s'est pas ouvert, toutes ses diapos sont noires ou presque.

Elle en pleure de rage, craignant d'être recalée à l'issue du stage qui conditionne l'obtention du fameux BAFA, ouvrant les portes des colonies de vacances, seul moyen d'allier congés et argent de poche. 

A la fin de la semaine, les participants doivent créer des ateliers d'expression pour prouver leurs capacités à encadrer des enfants et les divertir. 

Partis faire un tour à vélo, Lou et Baptiste arrivent trop tard pour se joindre à un atelier ; qu'importe, ils décident de s'improviser coordinateurs et s'arrangent pour monter leur propre numéro ensemble : ils enregistrent des bruits qu'ils feront mimer aux autres participants et avec lesquels ils déclencheront de grands éclats de rire.

Lorsque le stage se finit, Lou et Baptiste prolongent le plaisir d'être simplement ensemble en allant visiter la cathédrale de Chartres dont Baptiste, féru d'Histoire et d'ésotérisme, connaît les moindres détails, tant et si bien qu'ils ratent le train qui doit les ramener à Paname.

Dans le dernier train qui les ramène sur Paris, Lou s'est étendue sur la banquette, la tête sur les genoux de Baptiste et s'est endormie. À l'arrivée, plus aucun moyen de transport en commun ne peut lui permettre de rentrer chez ses parents, alors Baptiste lui propose de venir chez les siens, ou plutôt à l'étage qu'il occupe avec son frère dans un vieil immeuble du quartier du Marais qui servait de repère à Cartouche, le célèbre brigand.

Dans cette unique pièce emplie de livres en tout genre, ils vont alors apprendre cette nuit-là à se découvrir bibliquement, prémices d'une symbiose qui ne prendra fin que trente-six ans plus tard.

Alors, à chaque fois qu'on leur pose la question « et vous, vous vous êtes rencontrés comment ? » Lou et Baptiste sourient et répondent, invariablement, « grâce à une paire de lacets rouges…. »

  • Comme quoi, dès fois, ça se joue à pas grand chose la rencontre avec son destiné :-))

    · Il y a environ 5 ans ·
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    Lady Etaine Eire

    • Oui, il faut toujours garder l'esprit ouvert.....

      · Il y a environ 5 ans ·
      20180820 215246

      caza

    • ...et les yeux aussi, voir les oreilles, si on ne veut pas le rater :-)

      · Il y a environ 5 ans ·
      40405 (2)

      Lady Etaine Eire

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