Les lève-tôt.

Christophe Hulé

La vie appartient à qui se lève tôt dit-on.

Allez dire ça aux agents d'entretien, aux ouvriers sur les chaînes de montage, aux livreurs, aux routiers, et pardon à tous ceux que j'oublie.

Des heures passées dans le métro, le RER, pour une paie de misère.

Plus de bras dans la restauration ou le bâtiment ? Et nos décideurs de s'en étonner.

Tous des fainéants n'est-ce pas ?

Eh quoi, ils nous emmerdent avec cette histoire de vie de famille !

Je ne veux rien entendre sur les gilets jaunes, vous retournez à votre poste ou vous passez à la compta !

Le patronat vous spolie, et vive Arlette !

Camarades, que ceux d'entre vous qui acceptent la reconduction lèvent la main.

On a vidé l'usine de ses outils de travail, la nuit, quand les ouvriers dorment.

Pologne, Roumanie, Pôle Emploi ? 

Camarades, ils ont volé le beurre et l'argent du beurre.

On brûle des pneus, on joue aux cartes, on reste sur le lieu de travail.

Un ministre en bras de chemise, débraillé mais avec retenue, vient parler aux troupes désœuvrées.

Le gouvernement s'attelle à la tâche, vous allez voir ce que vous allez voir !

Et c'est tout vu, comme d'habitude, pour grossir les rangs des miséreux devant la banque alimentaire.

« Un pognon de dingue, tous ces gueux ! ».


Mon père et tous les précédents n'ont connu que la mine, et moi le chômage.

Après les gueules cassées ou les gueules noires, il faut bien que la misère prospère, sinon il n'y aurait pas de riches.

Huîtres et caviar ou moules frites, rien de nouveau en somme.

Camarade, acceptez-vous de signer cette pétition ?

Bof, si vous voulez, j'en ai signé tant !

Courage camarade, nous sommes au bout du tunnel !

Vous êtes jeune, comme je l'ai été, je me garderais bien de gâcher la fête.


On délocalise la connerie, jusqu'au jour où plus aucun pays ne sera dupe.

Et l'écologie nous aide un peu.

Les « patrons voyous » ne font que le job imposé par les actionnaires.

Serrer la vis et la ceinture pour le salut du capital.

Marx est un ringard, il faut vivre avec son temps.


On a fermé l'usine, comme autrefois les hauts fourneaux, plus d'école, de médecins, pas même un bistrot.

C'est le progrès Monsieur, il faut faire avec.

Les marchands de rêve passent avec la camionnette, distribuant pain et colis.

On entend le klaxon au loin, et les quelques vieux ou vieilles qui sont restés s'approchent à petits pas, comme les chats pour la pâtée.


Et il se passe quoi en ville ?

Ben, croyez-moi, vous êtes pas plus mal ici.

Et les vieilles et les vieux s'en vont goûter des plaisirs simples que plus personne ne connaît.

Entre bocaux dans les armoires, alambic, et les trésors du jardin.


Viens mon Fernand, encore un beau coucher de soleil ce soir.

T'as raison ma Germaine, allons au lit sans tarder je me sens l'âme romantique ce soir. 

Ben voyons grand benêt, tu me prends pour une quiche.

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