Les mémoires plus ou moins vrai de Maitre Scarabée le plus grand des faussaires, ou le sucide par la justice. 8eme Partie

Remi Campana

9. L’EXCOMMUNICATIONLe temps passait et, en apparence, je semblais heureux auprès de ma moitié. Elle mecomprenait et me mijotait des petits plats aux noms barbares et imprononçables. Avec elle, jedevenais casanier et replié sur moi-même, j’avais repris quinze kilos d’embonpoint. J’avaisbien réussi à faire quelques expositions, dont la plus célèbre fut réalisée dans un prieurédésaffecté – en réalité une vielle auberge du XVIème siècle, mais comme celle-ci se trouvaitderrière l’église, il était plus moral d’en faire un cloitre à curés.Pour exposer, Scarabée avait postulé comme un bon fonctionnaire, et sa candidature futretenue. Il faut reconnaître à sa décharge qu’il avait oeuvré comme un fou sur une série depeintures, une vingtaine de grands tableaux, plus obscènes les une que les autres, qu’il intitula« Hérode Antipas ». Je me demande encore aujourd’hui comment cette série avait put passer ?Certainement qu’un subordonné un peux trop zélé avait foutu quelques coups de tampon sansregarder le dossier. De ce fait, il était étonnant de constater que notre ami était là ; et le jour del’accrochage commença son chemin de croix. Une grande partie de l’assemblée « les amis duprieuré » était, comme à son habitude, solennellement présente.Je ne vous dis pas la tête qu’ils tiraient, ces gardiens de la morale, quand chaque toile défilaitdevant leurs yeux, avec une pauvre Salomé les jambes en l’air qui se faisait introduire vousimaginez quoi, ou réalisait une gâterie des plus joviales à ce bon Antipas qui ne demandaitque cela. C’était à croire que ces vieux gâteux n’avaient jamais joué à touche pipi de leur vie,les femmes détournaient les yeux, pendant que certain vicelards, tout en critiquant, serappelaient quelques bouffées d’antan. Pourtant, à bien y réfléchir, notre bon Scarabée, au lieud’être fustigé et vilipendé, aurait du recevoir une médaille car il rendait tout son sens premiera l’édifice : que de partouzes de tromperies de duperies, elle avait du voir, cette gargote, avantqu’on ne l’anoblisse !Les critiques fusaient de toute part, et le livre d’or se remplissait de menaces, bien sûr sous lecouvert de l’anonymat… Que voulez-vous, nos bons français (et le plus souvent les mieuxendimanchés) gardaient une bonne vielle nostalgie de leurs habitudes pétainistes. Seul un petitmot était fort sympathique, bien qu’encore aujourd’hui je n’en comprenne pas toute lasignification.- Bravo Monsieur pour votre courage d’oser représenter la réalité des moeurs pour faires’envoler enfin les préjugés et défendre les personnes qui sont comme moi.A vrai dire, je ne défendais rien du tout, seulement je m’exprimais sans arrière pensée.Peut-être s’agissait-il du seul libidineux du cru, un tantinet dépressif, qui était venu se perdredans cette vision de cauchemar ?La mairie, très vite informée du mécontentement populaire, voulut interdire l’exposition(surtout qu’une dizaines de cars scolaires devait lui rendre visite). Scarabée récusa tout36simplement son annulation, il était hors de question qu’on le censure. Finalement, uncompromis fut trouvé, on placarda sur la porte d’entrée « interdit aux moins de dix-huit ansnon accompagnés de leur parents ».Je passerai sur le vernissage ordinaire, où l’on retrouve toujours les mêmes mendiants quiviennent se goinfrer, pour revenir à monsieur le curé, car celui-ci ne l’entendait pas de cetteoreille. Dans son sermon du dimanche suivant, il brocarda cette exposition de Satan. Il étaitvrai que cet étalage de mauvais goût devait lui brûler les papilles car, comme tout homme defoi, il était bien le plus apte à juger la gaudriole, lui qui en théorie ne la pratiquait jamais. Ilalla jusqu'à demander à ses paroissiens de brûler ces transgressions sur la place publique, carseul un bûcher de la Saint-Jean pouvait sauver l’âme de cet hérétique. Du coup, la presselocale s’en mêla, et l’affaire fit grand bruit ; des spécialistes de l’histoire biblique écrivirent etréalisèrent des conférences pour contredire ces messages malsains sortis tout droit d’uneimagination malade. A ce sport, Scarabée s’en sortait fort bien, allant jusqu'à demander undébat avec l’homme de foi. Celui-ci refusa et, pour la circonstance, alla jusqu'à envoyer unelettre de demande d’excommunication au Vatican. L’exposition dura trois semaines sur lesdeux mois annoncés. Cette minuscule bataille d’Hernani à une échelle bien étroite, l’avaitdélesté de quelques plumes.Je ne sus jamais si la papauté m’avait renié et, de toute manière, je dormis très bien avec ousans mon âme. Mais prenez garde, vous qui me lisez, car peut-être qu’un jour vous serezconfronté à la même situation ; et je peux vous promettre que si vous sortez de la ligneapprobatrice de quelques moralisateurs, ils vous demanderont d’en payer le prix, et vousrisquez de trouver de jolis petits cercueils « anonymes » déposés sans rien dire dans votreboîte aux lettres. Pour paraphraser Bismarck, je dirais que pour faire avancer un français, ilsuffit de le frapper avec un bâton tout en lui parlant de liberté (et c’est bien la, la triste vérité).

8. L’EXCOMMUNICATION

Le temps passait et, en apparence, je semblais heureux auprès de ma moitié. Elle mecomprenait et me mijotait des petits plats aux noms barbares et imprononçables. Avec elle, jedevenais casanier et replié sur moi-même, j’avais repris quinze kilos d’embonpoint. J’avaisbien réussi à faire quelques expositions, dont la plus célèbre fut réalisée dans un prieurédésaffecté – en réalité une vielle auberge du XVIème siècle, mais comme celle-ci se trouvaitderrière l’église, il était plus moral d’en faire un cloitre à curés.

Pour exposer, Scarabée avait postulé comme un bon fonctionnaire, et sa candidature futretenue. Il faut reconnaître à sa décharge qu’il avait oeuvré comme un fou sur une série depeintures, une vingtaine de grands tableaux, plus obscènes les une que les autres, qu’il intitula« Hérode Antipas ». Je me demande encore aujourd’hui comment cette série avait put passer ?Certainement qu’un subordonné un peux trop zélé avait foutu quelques coups de tampon sansregarder le dossier. De ce fait, il était étonnant de constater que notre ami était là ; et le jour del’accrochage commença son chemin de croix. Une grande partie de l’assemblée « les amis du prieuré » était, comme à son habitude, solennellement présente.

Je ne vous dis pas la tête qu’ils tiraient, ces gardiens de la morale, quand chaque toile défilaitdevant leurs yeux, avec une pauvre Salomé les jambes en l’air qui se faisait introduire vous imaginez quoi, ou réalisait une gâterie des plus joviales à ce bon Antipas qui ne demandaitque cela. C’était à croire que ces vieux gâteux n’avaient jamais joué à touche pipi de leur vie,les femmes détournaient les yeux, pendant que certain vicelards, tout en critiquant, serappelaient quelques bouffées d’antan. Pourtant, à bien y réfléchir, notre bon Scarabée, au lieud’être fustigé et vilipendé, aurait du recevoir une médaille car il rendait tout son sens premiera l’édifice : que de partouzes de tromperies de duperies, elle avait du voir, cette gargote, avantqu’on ne l’anoblisse !

Les critiques fusaient de toute part, et le livre d’or se remplissait de menaces, bien sûr sous lecouvert de l’anonymat… Que voulez-vous, nos bons français (et le plus souvent les mieuxendimanchés) gardaient une bonne vielle nostalgie de leurs habitudes pétainistes. Seul un petitmot était fort sympathique, bien qu’encore aujourd’hui je n’en comprenne pas toute lasignification.- Bravo Monsieur pour votre courage d’oser représenter la réalité des moeurs pour faires’envoler enfin les préjugés et défendre les personnes qui sont comme moi.A vrai dire, je ne défendais rien du tout, seulement je m’exprimais sans arrière pensée.Peut-être s’agissait-il du seul libidineux du cru, un tantinet dépressif, qui était venu se perdredans cette vision de cauchemar ?


La mairie, très vite informée du mécontentement populaire, voulut interdire l’exposition(surtout qu’une dizaines de cars scolaires devait lui rendre visite). Scarabée récusa tout simplement son annulation, il était hors de question qu’on le censure. Finalement, uncompromis fut trouvé, on placarda sur la porte d’entrée « interdit aux moins de dix-huit ans non accompagnés de leur parents ».

Je passerai sur le vernissage ordinaire, où l’on retrouve toujours les mêmes mendiants qui viennent se goinfrer, pour revenir à monsieur le curé, car celui-ci ne l’entendait pas de cette oreille. Dans son sermon du dimanche suivant, il brocarda cette exposition de Satan. Il était vrai que cet étalage de mauvais goût devait lui brûler les papilles car, comme tout homme de foi, il était bien le plus apte à juger la gaudriole, lui qui en théorie ne la pratiquait jamais. Il a lla jusqu'à demander à ses paroissiens de brûler ces transgressions sur la place publique, car seul un bûcher de la Saint-Jean pouvait sauver l’âme de cet hérétique. Du coup, la presse locale s’en mêla, et l’affaire fit grand bruit ; des spécialistes de l’histoire biblique écrivirent etréalisèrent des conférences pour contredire ces messages malsains sortis tout droit d’uneimagination malade. A ce sport, Scarabée s’en sortait fort bien, allant jusqu'à demander undébat avec l’homme de foi. Celui-ci refusa et, pour la circonstance, alla jusqu'à envoyer unelettre de demande d’excommunication au Vatican. L’exposition dura trois semaines sur lesdeux mois annoncés. Cette minuscule bataille d’Hernani à une échelle bien étroite, l’avaitdélesté de quelques plumes.

Je ne sus jamais si la papauté m’avait renié et, de toute manière, je dormis très bien avec ousans mon âme. Mais prenez garde, vous qui me lisez, car peut-être qu’un jour vous serezconfronté à la même situation ; et je peux vous promettre que si vous sortez de la ligneapprobatrice de quelques moralisateurs, ils vous demanderont d’en payer le prix, et vousrisquez de trouver de jolis petits cercueils « anonymes » déposés sans rien dire dans votreboîte aux lettres. Pour paraphraser Bismarck, je dirais que pour faire avancer un français, ilsuffit de le frapper avec un bâton tout en lui parlant de liberté (et c’est bien la, la triste (A suivre) vérité).

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