les murs de paname

johnnel-ferrary

LES MURS DE PANAME

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     Déjà des siècles que je ne suis pas revenu à Paname. J’ai oublié les visages de la famille, des amis, j’ai oublié mon enfance par mégarde, mon adolescence oubliée loin des remparts de la ville. Paname ! Une ville, un espace d’où je suis né. Pourtant, mon esprit est vide, je ne vois plus rien lorsque je ferme les yeux. Ai-je été cet homme qui vivait entre les murs de la ville, côtoyant les rues de la nuit, les boulevards bordés de platanes, ces commerces bondés par des gens sans visage. Cet espace est devenu la surface d’un désert où la mort incarne les fantômes. Parfois, j’ai vu la silhouette de mon père, le visage souriant de ma mère. Un chien se promenait seul et sans collier sur les quais d’une gare. Je m’en suis souvenu. Il était mon chien lorsque môme, je déambulais dans ces rues où dansaient les lumières de candélabres. J’ai mis mes mains dans mes poches, et j’ai continué mon chemin. Très loin, la silhouette majestueuse d’une église. Celle où j’ai été baptisé. Alors, d’un pas soutenu, je me suis décidé à pousser la grande porte de bois de cette église. Et là, face à moi, le grand désert porté par le vent furieux. Le souffle divin sans doute ? Je ne sais pas, et que pouvais-je penser ? Le désert, son sable, sa lumière et son ciel d’un bleu limpide. J’ai réfléchis de cela, comme si mon destin n’était que poussière, mon histoire inventée par un écrivain méconnu ? Alors je suis sorti de l’église, refermant la grande porte de bois derrière moi. Autour de moi la ville, ce Paname que j’avais connu autrefois. Il y a tant de siècles ! Je me suis assis sur les marches et j’ai attendu. Attendre quelqu’un, une chose venue du passé, un ami, un parent ? Près de moi, le petit chien aperçu de l’autre coté de la rue. Il a mit son museau sur ma jambe et nous sommes devenus amis. Je lui ai parlé de mon enfance, de mon adolescence. Il m’a répondu avec la voix d’un être humain. Cela aurait dû m’inquiéter, mais non, comme si un chien parlait aussi bien que vous et moi. Je lui ai demandé comment il s’appelait.

-      Je n’ai pas de nom puisque je n’ai pas de collier ni de maître, m’a-t-il répondu. Et toi, tu t’appelles comment ?

J’ai réfléchi. Mon nom ? Mon prénom ? J’ai dis que tout cela n’avait aucune importance, lui c’était le chien et moi c’était l’homme. De toute évidence, lui et moi n’allions plus nous séparer.

-      Si nous allions nous balader le long des quais de gare comme autrefois, dit-il.

-      Oui, je veux bien. Et on pourrait même partir pour peu que l’on puisse monter dans un train, ai-je pu répondre.

-      Tu crois qu’ils acceptent les animaux dans les trains ?

-      Bah oui, enfin je crois ? Je t’achèterais un billet comme pour moi.

Je me suis levé pour partir avec ce nouvel ami à quatre pattes. Les rues étaient désertes, pas une seule personne, pas un seul véhicule. Nous n’étions que deux dans cet univers qui dansait dans ma tête. Enfin, je le supposais. Nous avons marché en silence lui et moi, et soudain, il y eut un orage mais aucune pluie ne vint nous arroser. Pourtant, de gros nuages gris se balançaient dans ce qui fût un grand ciel bleu. Nous avons traversé l’avenue puis nous nous sommes engouffrés dans le grand boulevard qui menait à la Seine. Passer devant l’hôpital où était né un petit gosse qui me ressemblait. J’ai vu sa mère qui me regardait, qui me souriait. Dans ses bras, un bébé. Le chien me dit que c’était ma mère et que le bambin c’était moi autrefois ma naissance. Je me suis demandé pourquoi il savait si bien que le môme c’était moi et que la femme ma mère ?

-      C’est simple, qu’il me répond. Je connais ton histoire que tu as oubliée. Ton cerveau est mort lorsque tu es devenu astronaute et que tu as dépassé le mur appelé vitesse de la lumière. Oh, ne t’inquiètes pas, tu n’es pas mort, enfin pas comme les vivants le pensent. Tu es toujours vivant, mais ailleurs, dans une dimension autre que celle que tu as connu. Tu vois, ce monde est inutile tant que les humains y sont absents. C’est un décor, un simple décor de cinéma. Et pourtant, toi et moi, nous sommes bien vivants l’un contre l’autre.

-      Tu ne serais pas l’invention de ma substance que forment les neurones ? Une image virtuelle crée par ordinateur comme autrefois sur des écrans tactiles ?

-      Tu me fais rire, me lança le chien. Je ne connais pas ces machines dont tu me parles car je ne suis qu’un animal, tu le vois bien ? Et un animal ne peut connaître les machines que créent les hommes leurs maîtres ? Toi tu as connu cela mais pas moi !

Il est vrai que j’ai connu ces ordinateurs qui fourmillaient dans le monde. Tactiles, écrans plats, machines lourdes, tubes cathodiques… Un clavier noir, des touches, et les doigts de l’écrivain. Oui, j’ai connu tout çà, mais c’était autrefois. J’avais écris une histoire où le sujet rencontrait un chien dans une dimension chimérique. Je ne sais plus où sont passés les feuillets ni la machine à écrire ? Dans le monde matériel, cela n’a plus d’importance car plus personne n’écrit, plus personne ne lit. Les gens comptent les billets de banque, calculent le taux et le pourcentage, la joie de la richesse, de la possession. J’ai donc quitté ce monde pour me retrouver ici, cet univers qui n’existe pas et ne peut exister ?

-      Tu n’as pas faim, me demanda mon compagnon à quatre pattes.

-      Tu as faim toi ? Oui, plus j’y pense et plus j’ai faim.

J’ai regardé autour de moi. Mais pas un seul restau rapide, pas un seul restaurant au menu classique. Tiens, voilà que je ressens la faim ? C’est assez bizarre dans ce monde irréel puisque nous ne sommes plus des êtres vivants dans le monde d’où je viens ? Ni lui, ni moi !

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     L’air ambiant me glisse sur le visage. Une odeur qui ressemble à celui d’un parfum de femme que je hume avec délicatesse et grande joie. J’essaie de me souvenir de cette fragrance qui doit me venir de mon lointain passé ? Oui, çà y est, je me souviens car tout devient clair dans mon esprit. C’est celui d’une femme bien sûr, mais pas forcement celui de ma mère. Ce parfum délicat est celui d’un premier amour, ces amours qui ne durent qu’un printemps, un seul été. Le mien était plus long sans pour autant être partagé !

-      Tu penses toujours toi, me dit mon compagnon.

-      Et toi comme chien, tu ne penses pas non plus ?

-      Si je pense à une bonne gamelle de croquettes. Tu n’as pas faim on dirait ?

-      Si, justement, je réfléchissais comment nous pourrions nous restaurer.

-      Et si tu demandais au type qui écrit notre histoire de nous préparer un bon repas ?

-      Parce que tu crois que dans un monde parallèle un type écrit ce qui se passe ici ?

-      Il me semble que oui !

-      Et comment faire pour le contacter ?

-      Bah, on dirait que tu n’as pas compris les aléas de ce récit. Ce type en question… C’est toi voyons !

-      Comment çà moi ? Tu rigoles ? Je ne suis pas en train d’écrire puisque je suis avec toi ?

-      Non seulement tu me mens mais tu te mens à toi-même. Fais en sorte que nous trouvions de quoi nous nourrir toi et moi, après nous irons prendre un train direction là où tu voudras.

-      Bon ben d’accord, allez, j’y vais.

Et comme par enchantement, un bistrot de quartier restait ouvert non loin de la gare. Certes, aucun client mais le patron nous attendait.

-      Ah ! Monsieur FERRARY, votre présence m’honore ainsi que celle de votre compagnon.

Là je me suis dis que je faisais fort sur le concept qui allait nous permettre de festoyer.

-      Mais nous en sommes très honorés nous-mêmes, tavernier, lui répondit le chien. Un bon repas pour mon ami et une bonne gamelle pour moi sans oublier l’eau car il fait soif !

Veuillez prendre places mes seigneurs, les mets ne tarderont pas, mes cuisiniers travaillent d’arrache pied pour satisfaire vos papilles. Voilà ce que je pensais écrire, et puis non, je trouvais ce discours pédant et bien trop moyenâgeux.

-      Prenez place, entrées à volonté, ragout de mouton, un Château GASIN millésimé, fromages du pays, desserts maisons. Pour vous, croquettes de premier choix et une grosse gamelle d’une eau filtrée.

Evidement, tout comme moi, le chien termina entièrement sa gamelle. Après quoi, je me proposais de fumer un bon cigare tout en me délectant d’un cognac de cent ans d’âge. Après tout, je n’avais pas d’argent pour payer, donc soit il nous laisse partir, soit il appelle les flics ou mieux encore, à moi la vaisselle ! Je regardais ma montre bracelet. Tiens, les aiguilles étaient absentes du cadra ainsi que les chiffres romains ?

-      Patron, dis-je, l’addition.

-      Mais voyons mes Seigneurs, la maison vous offre un tel repas.

Je n’en attendais pas moins de la part de ce charmant patron. Que nous laissâmes sur le pas de porte de son établissement. La gare devant nous, deux ou trois trains entraient et sortaient sous le chapiteau métallique. Un contrôleur s’approcha de nous.

-      Bienvenue à la compagnie des chemins de fer. Votre compartiment vous attend. Faites bon voyage. Vos billets sont déjà compostés. Prenez place car le train sept zéro huit va partir.

Le chien posa un regard vers moi. Amusé.

-      Eh bien ! tu ne fais rien à moitié toi. Comme tu vois, c’est bien toi qui guide notre destin. Tu sais où l’on va au moins ?

Pour vous l’avouer, je n’en savais rien. Le compartiment était confortable, coloré, parfumé comme il se doit. Et toujours cette senteur qui me guidait vers cet amour d’un passé révolu. Soudain, alors que nous préparions au départ, un essaim de flics fit irruption dans notre compartiment.

-      Messieurs, contrôle des papiers. Pour vous les mains sur la tête, muselière pour le chien.

Quoi ? Un Bugue dans la machinerie informatique ? Mais qui venait de balancer un cheval de Troie sur le site dans lequel je vais installer ce récit ? C’était impossible voyons, il est parfaitement sécurisé alors… ?

-      Monsieur B.FERRARY, il vous serait nécessaire de ne plus vous impliquer de la façon dont vous le faite actuellement. Beaucoup de lecteurs ont cessé de vous lire depuis bien longtemps, et vous, au lieu de vous actualiser, de continuer vos dessins, vous vous mettez à la tâche afin de nous proposer ce genre de texte. Allons, ce n’est pas sérieux, et vous savez bien que ce texte comme tous les autres, ne sera lu que par deux ou trois personnes. Nous sommes là pour arrêter ce gâchis, alors nous vous demandons de retourner à vos dessins car cela suffit ces abracadabrantes et illusoires nouvelles.

Et bien, je ne savais pas que l’on m’aurait refusé l’accès au site sur lequel ce dernier texte va devoir impliquer les lecteurs et les lectrices de « we.loves… » Face à cette demande effroyable, je me résignais. Décidé, je laissais tomber le clavier de mon ordinateur pour un prochain voyage. Près de moi, le chien me regardait.

-      Je croyais que c’était toi qui décidais de notre destin, mais je constate que ce n’était pas le cas !

Je haussais les épaules en guise d’échec. Oui, les lecteurs et les lectrices sont les maîtres de mon destin, et non moi. Pourtant, j’ai souvent cru que mes textes permettaient de lire autre chose que les actualités que l’on voit dans les journaux et sur les écrans plats de nos télévisions modernes ? Je me suis trompé, aussi je fais mea-culpa. Oui, je dois le confesser. Tout cela n’est que babiole de mon esprit malade. Pourtant, je me suis dis que ce voyage devait continuer. Dehors, la beauté du ciel bleu remplissait le compartiment, et le doux parfum essaimait ses effluves partout dans le wagon. En fait, l’intervention policière n’était qu’un aparté. Non, mon cerveau n’est pas malade, donc je continu mon voyage avec mon ami à quatre pattes. Bien allongés sur les banquettes, l’un et l’autre nous nous sommes endormis. Et à quoi bon se réveiller dans un monde virtuel où rien n’existe vraiment ? Oui, le virtuel n’est rien d’autre qu’une image de l’esprit, la preuve ! Soit, faut-il le dire, loin de la réalité de chacun, celle que l’on connait, celle de chaque jour, de chaque nuit, je suis heureux. Je préfère me bercer d’illusions, de chimères car le présent n’est qu’une farce odieuse d’un Dieu dont chacun parle et que l’on ne voit jamais ! Allongé sur notre banquette, on se sent bien lui et moi. Lui le chien et moi l’homme. C’est ainsi que je vais terminer cette nouvelle, sur l’image d’un homme qui va nulle part et qu’accompagne un chien. Comme autrefois lorsque j’étais môme entre les murs de Paname. La liberté malgré son collier, la liberté malgré mon jeune âge, des parents qui m’attendaient. Et ô combien de fois ai-je eu l’idée de partir sans retour ?

-      Où va-t-on, me demande le chien.

-      Peu importe, le principal c’est de ne jamais s’arrêter et ne connaître la vie que dans son écrin. Pas celui de la richesse et de la stupidité, mais celle où tu es libre comme nous le sommes actuellement. Même si ce n’est qu’illusoire, rien ne vaut la liberté qui nous permet de voyager au-delà des étoiles qui brillent dans cet espace lointain. Endors-toi, laissons le temps sculpter nos destins.

Il s’est endormi et de même pour moi. Quelqu’un venait d’éteindre l’ordinateur sur l’éternel mot FIN. Je n’ai jamais su qui c’était.

Johnnel.B.FERRARY

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