Les pochtrons.(2)

"On avait tellement de fil à retordre que l'on stockait nos bobines à l'abri de la lumière pour pas que la rouille vienne sur nos gueules."

J'avais écrit cette phrase, sans trop faire attention à elle, la laissant pour ainsi dire de côté. C'est en relisant celle-ci par une après-midi ou je n'avais rien à faire d'autre que de me tourner les pouces et de caresser le ventre de mon chat qui aime ça, que je me demandais ce que j'avais bien pu vouloir dire. Parfois on écrit des choses qui ne servent à rien, mais qu'on garde sous le coude, pour si jamais un jour, dans une conversation entre le fromage et le dessert, il pourrait être utile de s'en souvenir.

Ce jour là est venu à moi, lorsque dans un décor assez Jésuesque, je m'apprêtais à lever mon verre pour féliciter l'entrée du pain sans gluten à ma table, et que Nabuchonodosor, mon dévoué serviteur, entra par surprise :

- Ah tiens, te voilà, toi, lui lancai-je ! T'étais où, hein ? A trainer encore avec les sans sulfites ? Les mauvais bougres ?

Nabuchonodosor sortait d'une réunion plénière de la confrérie des vins d'exception, la confrérie Pinault & Fils, en charge de la qualité et de la promotion de sa production bio vis à vis de la menace du gros rouge qui tache, le fameux retour du litron étoilé, habillé de son nouveau slogan publicitaire: "Le Kiravi pour la vie, la Vache Qui Rit pour les petits !"

J'étais debout donc, serein aussi, entouré de toute une clique professionnelle venue écouter mon discours sur les avantages et les inconvénients de la peinture à l'huile sur celle à l'eau, quand subitement, comme chat qui pisse ou chatte en chaleur, j'ajoutais:

- « On avait tellement de fil à retordre que l'on stockait nos bobines à l'abri de la lumière pour pas que la rouille vienne sur nos gueules. »

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