Les racines de la connaissance

Scythe Crow

Il réfléchissait, le visage neutre de celui qui cherche à savoir mais ne peut-être sûr de l’objet et du pourquoi. Ses traits n’évoluaient guère durant ces instants de réflexions, aucune émotion ne transparaissait et cela n’importait pas. Sa position contrastait de part sa nonchalance, son corps semblait se désarticuler et faire fi du bon sens, confortable. L’absurdité et la raison se chevauchaient avec une complicité non feinte, une bonne volonté partagée.
Le lieu de cet étrange réunion était toujours le même, sous l’arbre de la connaissance. Sa taille et son architecture variaient aux grés de la pensée et de sa construction, plus ou moins complexe. Le sien possédait des ramifications sibyllines, trop personnelles pour être admises ou échangées. Le sens partait d’une idée lumineuse pour atteindre l’obscur.

Maigre. De cette maigreur qui ne se cachait pas, ses bras trop fins et ses côtes trop apparentes pour faire illusion. Il n’y portait pas la moindre attention. L’esprit se nourrissait, d’un appétit de nature pragmatique et égoïste. S’oublier à moitié, oublier la moitié qui ne comptait plus. Les racines noueuses implantées dans cet être à la chair morte avaient déjà dévorées les muscles veineux, sans résistance faute d’être préservés.

Le calme régnait. Il dépérissait de jour en jour sans s’en inquiéter, satisfait de ce silence et d’être suprêmement lui-même. Concentré, il saisit la venue soudaine d’un son. Sa curiosité ne pouvait disparaître, constitutive de sa nature. Le calme muta en soupir et une brise se leva. Le soupir devint une percussion, aux sonorités basses, pleine de gravité. Le vent sifflait à présent, mué par un désir déchiré et destructeur. Une force irrésistible qui cessa brusquement, sans raison apparente.

Il écouta quelques instants encore et fut soudain frappé d’un cri, terrible et précipité.

Abrupte agonie d’un un homme enraciné. L’arbre de la connaissance n’était pas l’arbre de la vie. Juste un cri absurde.

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