LES RUPTURES

Julie Ormancey

Bien qu'avec des coeurs différents, les rutpures sont toujours les mêmes. Elles se ressemblent parce qu'à l'inverse des rencontres, les deux partis ne sont pas avertis. J'ai toujours plus aimé les mots que les hommes, et je les ai oh combien échangés contre eux, au rythme effréné de nos incompatibilités de sens.


J'aime les mots pour leur constance. Je sais toujours où les trouver, et même si d'autres bouches les volent, ils me reviennent toujours, à l'inverse des hommes. J'aime les mots parce qu'ils disent tout, ils se posent, mais jamais ne s'emportent, et ceux qui font trop mal, au fil des larmes, finissent par s'envoler. Ceux-là ne me trahissent pas, ne jettent pas leur veste d'un revers maladroit.


Je me suis toujours sentie seule alors qu'ils furent toujours là, depuis le début et certainement jusqu'à ma fin. Les seuls compagnons que l'on ose espérer, fidèles, dont la loyauté n'est pas à débattre, et qui chaque jour, à vos côtés, avec autant de force que vous, sinon plus, se battent. Je les aime, parce qu'ils me surprennent.


Certains bien placés, avec justesse, me font rire, me font me dire que le monde a un sens quelquefois. Quand d'autres, mal utilisés, ne veulent rien dire, n'ont pas leur place au milieu de tout ça. Je les aime parce qu'ils n'ont de sens qu'ensemble, que bien ficelés, que trop ardemment composés.


Ils sont la tragédie de nos âmes en deuil, qui pleurent éternellement, en se répétant sans cesse, injurieux de l'injustice subie de n'être qu'humain, et fragile et seul.


Des mots qu'on ne pense pas n'en sont pas. Ils ne sont que les coquilles vides d'une musique sourde et aveugle, de tout ce qu'ils promettent, de tout ce qu'ils trahiront ainsi.

 

Je les voudrai, bien plus que les hommes, tous à moi. Tous les connaître, tous les deviner. Tous les soustraire ou les additionner, sans jamais, dans ce calcul périlleux, me tromper sur un seul d'entre eux. J'aurai voulu tous les écrire et les assembler, j'aurai voulu les crier au monde entier, pour qu'il entende, pour qu'il comprenne qu'ils ont malgré leurs rumeurs de limites, le pouvoir avéré de l'indicible.

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